Lundi dernier, des hélicoptères de la société paramilitaire russe Wagner ont été aperçus à Massambaye, une localité tchadienne située à 155 km de Ndélé et à 70 km d’Akrossoulbak, près de la frontière centrafricaine. Cette présence inhabituelle, accompagnée d’accusations de pillages et de racket sur la population locale, ravive les tensions dans une région déjà marquée par une instabilité chronique.
Selon des témoins locaux, qui ont rapporté à la rédaction d’Afrique en Plus, ces éléments auraient profité du marché hebdomadaire de Massambaye pour extorquer plus de 17 millions de francs CFA aux commerçants et habitants. En plus de l’argent, des biens divers appartenant aux populations ont été emportés par les éléments. Ces actes de racket, d’une ampleur considérable, augmentent le climat d’insécurité et la défiance envers les autorités locales, incapables de prévenir ou d’intervenir face à ces abus.
D’après certaines sources, Massambaye serait également devenu un refuge pour des membres de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) et leurs familles. Cette alliance rebelle, active en Centrafrique, est l’une des principales cibles de Wagner dans la région, ce qui expliquerait leur présence dans cette zone stratégique.
« Une réponse tchadienne tardive mais visible »
Quelques heures après le départ des hélicoptères de Wagner vers Ndélé, des forces tchadiennes en provenance de Haraz Mangai, chef-lieu de la région, ont été déployées sur place. Composée de 12 motos et 8 pick-ups Toyota Land Cruiser, cette unité a été envoyée pour vérifier la situation et évaluer l’ampleur des dégâts causés par cette incursion.
Cependant, la route entre Massambaye et Akrossoulbak, actuellement en mauvais état, complique les déplacements dans la zone, entravant aussi bien l’intervention des forces armées Centrafricaines que les activités des populations locales.
« Un enjeu diplomatique et régional »
Cette intrusion de Wagner sur le territoire tchadien constitue une atteinte directe à la souveraineté du Tchad et pourrait aggraver les tensions déjà existantes entre N’Djamena et Bangui. Si les autorités centrafricaines ont jusqu’ici justifié la présence de Wagner comme un soutien nécessaire contre les groupes rebelles, cette extension de leurs activités hors des frontières centrafricaines risque de provoquer une crise diplomatique.
Pour le Tchad, cette situation est un défi de taille. Déjà confronté à des menaces internes et transfrontalières, le pays doit désormais faire face à l’arrivée d’acteurs étrangers qui agissent en toute impunité. La réponse du gouvernement tchadien à cette incursion sera déterminante pour affirmer son autorité et rassurer les populations locales.
La situation à Massambaye illustre les risques de voir la région frontalière entre le Tchad et la Centrafrique devenir un no man’s land où rebelles, mercenaires et trafiquants cohabitent. Une réponse régionale concertée, impliquant les autorités tchadiennes, centrafricaines et leurs partenaires internationaux, est nécessaire pour éviter une escalade.
À ce jour, aucune déclaration officielle n’a été faite par les autorités tchadiennes ou centrafricaines au sujet des événements de Massambaye. Mais le silence pourrait coûter cher. Dans cette région fragile, chaque jour sans solution renforce l’ancrage des groupes armés et des mercenaires étrangers, au détriment des populations locales déjà durement éprouvées.