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Dans une région marquée par l’instabilité politique, les conflits armés et les inégalités sociales profondes, la question des violences faites aux femmes et aux filles demeure l’un des défis majeurs pour les sociétés d’Afrique centrale. C’est dans ce contexte que s’est tenu, du 28 au 30 mai 2025 à Yaoundé, un atelier sous régional de réflexion stratégique organisé par la Coalition d’Action pour Mettre Fin à la Violence à l’Égard des Femmes et des Filles en République Centrafricaine et au Cameroun.

L’événement, organisé dans le cadre de la Semaine de l’Afrique 2025, a rassemblé des acteurs gouvernementaux, des membres de la société civile, des défenseurs des droits humains et des représentants de la jeunesse, autour d’un objectif commun : concevoir une stratégie de plaidoyer régionale pour l’élimination des violences basées sur le genre (VBG).

En RCA, les violences faites aux femmes prennent une dimension particulièrement alarmante. Conflits armés, effondrement des institutions, déplacement massif des populations et pauvreté extrême ont créé un terreau fertile pour des violences de toutes sortes, en particulier les violences sexuelles.

Selon des rapports récents de l’ONU et d’organisations locales, les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre restent fréquentes, tandis que les mécanismes de protection restent largement défaillants. À cela s’ajoute une culture de l’impunité où peu d’auteurs sont poursuivis, et où les victimes, souvent jeunes filles, doivent affronter la stigmatisation, le rejet social et l’absence de prise en charge médicale et psychologique.

« Il y a des zones entières où les filles vivent dans la peur constante. La violence est omniprésente, et les structures d’accueil sont quasi inexistantes », confie une militante centrafricaine des droits des femmes présente à l’atelier.

Le Cameroun, bien que plus stable institutionnellement, n’est pas exempt de violences faites aux femmes, en particulier dans les régions en crise comme le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, où le conflit anglophone a exacerbé les vulnérabilités des femmes.

Réfléchir collectivement, agir stratégiquement

Sous le thème « Développement de la jeunesse et renaissance africaine : quel profil de jeune pour l’émergence globale de l’Afrique ? », les participants ont débattu de la manière dont un continent en mutation peut mieux intégrer les femmes et les filles dans ses dynamiques de transformation.

Mais pour cela, l’environnement doit être débarrassé de la violence et des discriminations. Pour les participants, il est urgent de changer les mentalités, renforcer les lois existantes, et faire pression sur les institutions pour qu’elles prennent des mesures concrètes.

Durant les trois jours d’échanges, les travaux ont porté sur : le renforcement des capacités des membres de la Coalition sur les techniques de plaidoyer ; l’identification des acteurs cibles dans les gouvernements, les parlements, les institutions régionales et les médias ; l’élaboration d’un plan d’action sur 12 mois, incluant des actions de sensibilisation, de mobilisation communautaire et d’interpellation politique.

Dans les deux pays, une nouvelle génération de jeunes, notamment de jeunes femmes, s’engage de plus en plus dans les luttes pour l’égalité et les droits humains. Pour beaucoup, cette rencontre est un signal fort : le changement viendra aussi de la jeunesse, si elle est formée, écoutée, et intégrée dans les espaces décisionnels.

« Le développement de l’Afrique ne peut pas se faire sans l’implication pleine et entière des jeunes filles. Mais tant qu’elles seront victimes de violences, de mariages précoces ou de mutilations, elles seront empêchées de jouer ce rôle », souligne un représentant de la jeunesse camerounaise.

L’un des résultats clés de l’atelier est l’engagement commun des participants à bâtir un plaidoyer structuré, cohérent et régionalisé. Il ne s’agit plus d’agir de manière isolée, mais de construire des alliances solides entre les pays de la sous-région, afin de peser sur les politiques publiques, les législations et les programmes de développement.

À l’issue des travaux, un plan d’action sous régional a été défini, intégrant : Des campagnes de sensibilisation dans les deux pays ; des actions de mobilisation dans les écoles, universités et centres communautaires ; un dialogue politique avec les parlementaires et ministères concernés ; le développement d’indicateurs de suivi pour évaluer les avancées.

Une Afrique centrale à la croisée des chemins

L’atelier de Yaoundé a marqué une étape importante pour les mouvements de défense des droits des femmes en Afrique centrale. Mais le chemin reste long. Sans volonté politique ferme, sans financement adéquat, et sans implication des communautés à la base, les ambitions resteront lettre morte.

Pourtant, dans les voix portées durant cet atelier, une conviction traverse toutes les frontières : une Afrique sans violence faite aux femmes est non seulement possible, mais essentielle pour l’émergence du continent. « Tant que nos filles ne seront pas en sécurité, c’est toute l’Afrique qui sera en danger », rappelle une activiste centrafricaine. « Nous devons agir maintenant, ensemble. »

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