
Il est des silences qui résonnent plus fort que les mots. Celui qui entoure depuis plus de dix jours la disparition de Matata Ponyo Mapon, ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo, résonne aujourd’hui comme un avertissement cinglant sur l’état de notre démocratie, de notre justice, et de notre mémoire collective.
Condamné le 22 mai dernier à dix ans de travaux forcés, cinq ans d’inéligibilité et à la confiscation de ses biens dans l’affaire emblématique et controversée du projet agro-industriel de Bukanga Lonzo, Matata Ponyo s’est tout simplement volatilisé. Ni sa famille, ni ses avocats, ni son parti politique, le LGD, n’ont pu entrer en contact avec lui depuis. Aucun centre pénitentiaire du pays ne confirme sa détention. Aucun mandat d’arrêt formel n’a été exécuté publiquement. Rien. Le néant. Ce mutisme institutionnel fait froid dans le dos.
Une disparition politique ou une disparition forcée ? La question qui brûle les lèvres est simple : où est Matata Ponyo ? Et la République a l’obligation d’y répondre. Le gouvernement ne peut se contenter de détourner le regard ou de jouer la montre. Car si l’ancien Premier ministre s’est soustrait à la justice, il faut le dire. Mais s’il a été arrêté en dehors des cadres légaux, ou pires encore, s’il est détenu en secret, alors nous sommes face à une dérive gravissime de l’État de droit.
Le Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD), le parti fondé par Matata Ponyo, a exprimé son inquiétude officielle dans un communiqué du 31 mai, affirmant que son leader n’est plus joignable, ni localisable. Ce même communiqué révèle aussi que la fille de Matata a été empêchée de quitter le territoire congolais, et que son passeport a été confisqué sans décision judiciaire connue.
Ces éléments s’ajoutent à une ambiance délétère : celle d’une justice instrumentalisée, où les procès deviennent parfois des procès politiques, et où les opposants tombent dans une zone grise entre procédure et persécution.
Il ne s’agit pas ici de nier les soupçons de détournement de fonds publics liés au projet Bukanga Lonzo, fiasco industriel de plusieurs centaines de millions de dollars. La redevabilité est nécessaire, pour Matata Ponyo comme pour tous les acteurs impliqués, d’hier comme d’aujourd’hui.
Mais la justice ne peut être un théâtre de vengeance. Elle doit s’exercer de manière impartiale, transparente, et dans le respect absolu des droits fondamentaux. Or, ce procès expéditif aux yeux de nombreux observateurs et cette disparition énigmatique alimentent l’idée que le sort de Matata Ponyo relève plus d’un jeu de pouvoir que de justice.
La République à l’épreuve, si Matata Ponyo est libre, qu’on le dise. S’il est en fuite, qu’on le cherche. S’il est détenu, qu’on en informe la nation. Mais le silence, lui, est inacceptable. Car en République, même un condamné a droit à la justice. Même un opposant a droit à la sécurité. Même un ancien Premier ministre a droit à la vérité.
En ne disant rien, l’État congolais nourrit les soupçons. Et en laissant le flou s’installer, il creuse un peu plus le fossé entre les institutions et les citoyens. Aujourd’hui, nous ne demandons pas un privilège pour Matata Ponyo. Nous exigeons simplement ce que la République doit à chacun de ses enfants : la transparence, le respect du droit, et la vérité.