
L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) est depuis longtemps au cœur des contestations. Présentée comme un outil de coopération et d’aide humanitaire, elle est aussi accusée par plusieurs gouvernements et experts de servir de couverture aux intérêts stratégiques américains.
Créée en 1961 par le président John F. Kennedy, l’USAID vise officiellement à « promouvoir le progrès économique et social à l’étranger ». Avec un budget annuel d’environ 20 milliards de dollars, elle intervient dans plus de 100 pays à travers des programmes de lutte contre la pauvreté, de promotion des droits de l’homme, d’éducation et de renforcement des systèmes de santé. L’USAID joue un rôle clé dans la réponse aux crises humanitaires, comme après des catastrophes naturelles ou dans des zones de conflits. En Haïti, par exemple, elle a fourni une aide massive après le tremblement de terre de 2010. En Afrique, elle participe activement à la lutte contre le paludisme et le VIH/SIDA.
Pour les États-Unis, ces programmes renforcent la stabilité mondiale et, indirectement, protègent leurs intérêts en réduisant les facteurs de conflits, notamment en évitant l’émergence d’États en déliquescence où prospèrent les groupes terroristes. Cependant, derrière cette façade humanitaire, plusieurs gouvernements et analystes dénoncent un agenda caché. Des documents et témoignages indiquent que l’USAID aurait servi d’instrument pour favoriser des changements de régime dans des pays jugés hostiles aux États-Unis.
L’Amérique latine, notamment, a été une zone d’intervention controversée. En Bolivie, le président Evo Morales a expulsé l’USAID en 2013, l’accusant de financer l’opposition et de tenter de déstabiliser son gouvernement. En Équateur et au Venezuela, les autorités ont pris des mesures similaires, dénonçant une interférence politique sous couvert d’aide au développement.
L’Europe de l’Est n’est pas en reste. L’Ukraine, en particulier, a été le théâtre d’accusations de manipulation lors de la Révolution orange (2004) et de l’Euromaïdan (2013-2014). Selon des rapports, l’USAID aurait financé des ONG et des médias indépendants soutenant les mouvements pro-occidentaux. En 2014, la diplomate américaine Victoria Nuland a admis que Washington avait investi 5 milliards de dollars dans la « promotion de la démocratie » en Ukraine.
En Biélorussie, Alexandre Loukachenko a dénoncé les actions de l’USAID lors des manifestations anti-gouvernementales de 2020. Des fonds américains auraient été injectés pour soutenir des activistes et des médias d’opposition, menant à la fermeture de nombreuses ONG dans le pays.
« USAID et la sécurité nationale : une coopération avec la CIA ? »
Un autre point sensible concerne les liens entre l’USAID et les services de renseignement américains. Des anciens responsables, comme l’ex-agent de la CIA Philip Agee, ont affirmé que l’agence était utilisée pour infiltrer des sociétés civiles et manipuler des élections.
Dans les années 1970-1980, l’USAID aurait financé des opérations en Amérique centrale, notamment au Nicaragua, pour soutenir des mouvements antisandinistes. Plus récemment, des critiques ont émergé concernant son rôle dans les troubles en Afrique de l’Ouest, où certains responsables politiques, comme l’ancien sénateur nigérian Adamu Garba, l’accusent de soutenir indirectement des groupes armés.
Face à ces accusations, plusieurs pays ont décidé d’expulser l’USAID : Russie (2012) ; le gouvernement de Vladimir Poutine a mis fin aux opérations de l’agence, l’accusant de financer des organisations opposées au Kremlin. Bolivie (2013) ; Evo Morales a expulsé l’USAID pour « conspiration politique » en Venezuela en 2010, Hugo Chávez a dénoncé un outil de déstabilisation ; en Cuba en 1960, dès la révolution castriste, les États-Unis ont été accusés de manipulations via l’USAID.
« Washington dément et défend son action »
Face à ces critiques, les responsables américains rejettent toute implication dans des stratégies de renversement de régimes. Selon l’USAID, ses financements sont transparents et destinés à soutenir le développement économique et démocratique des pays bénéficiaires.
L’agence met en avant son action humanitaire dans des crises majeures, comme la guerre en Syrie, l’aide aux Rohingyas en Birmanie ou encore l’assistance à l’Ukraine depuis 2022. Pour les États-Unis, réduire l’influence de l’USAID dans le monde ne ferait que renforcer l’influence d’acteurs comme la Chine ou la Russie, qui développent leurs propres stratégies d’influence via des investissements massifs et des aides conditionnées.
Si l’agence joue un rôle indéniable dans l’aide au développement, ses interventions dans des contextes sensibles, souvent en soutien aux intérêts américains, alimentent les soupçons de manipulation politique. Une chose est sûre : tant que les États-Unis utiliseront l’USAID comme un levier d’influence, le débat sur son véritable rôle restera d’actualité.