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Près de deux mois après avoir succédé à Moussa Faki Mahamat à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA), Mahmoud Ali Youssouf a présenté ses grandes priorités lors d’une conférence de presse tenue ce lundi 12 Mai 2025, au siège de l’organisation panafricaine, à Addis-Abeba. Face à un continent confronté à une recrudescence des conflits, à une fragilité économique persistante et à une dépendance financière chronique, le nouveau président entend mener une action résolument axée sur la paix, l’intégration économique et l’autonomie budgétaire.
 La paix et la sécurité, c’est notre priorité , a d’entrée de jeu affirmé Mahmoud Ali Youssouf, ancien ministre djiboutien des Affaires étrangères, en soulignant les nombreux foyers de tension qui affectent la stabilité du continent.

L’exemple le plus préoccupant reste le Soudan, en proie à un conflit armé entre l’armée nationale et les Forces de soutien rapide (FSR).

Ces derniers jours, des attaques de drones ont visé Port-Soudan, capitale provisoire du pays, aggravant une situation humanitaire déjà dramatique. Interrogé sur les accusations lancées par Khartoum contre les Émirats arabes unis accusés de livrer des armes aux FSR le président de la Commission a refusé de s’engager sur cette polémique : « C’est le Soudan qui a accusé les Émirats, c’est au Soudan de fournir les preuves. Il a rappelé avec fermeté que l’Union africaine n’acceptera aucune forme d’ingérence étrangère dans les affaires internes des États membres»

Au-delà du cas soudanais, Mahmoud Ali Youssouf a insisté sur la nécessité de renforcer les mécanismes de prévention des conflits, de médiation régionale, et de maintien de la paix, soulignant le rôle central que doit jouer l’UA pour « protéger les populations et stabiliser les institutions ».

Relancer l’intégration économique par la ZLECAf

Deuxième axe fort de sa stratégie : l’intégration économique, à travers une accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

« Les échanges intra-africains ne représentent aujourd’hui que 18 %. Nous devons donc aller plus vite », a-t-il déclaré avec un ton de regret mais aussi de détermination.

Lancé officiellement en 2021, ce projet emblématique vise à créer un marché unique de plus de 1,3 milliard d’habitants, avec la suppression progressive des droits de douane et la facilitation des échanges. Face à un environnement commercial international de plus en plus hostile en particulier après la hausse des tarifs douaniers imposés par le président américain Donald Trump en avril la ZLECAf est perçue comme une réponse stratégique pour renforcer la résilience africaine, développer les chaînes de valeur régionales et réduire la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs.

Mahmoud Ali Youssouf ambitionne de faire de la ZLECAf un levier d’industrialisation, d’emploi et de transformation structurelle, en particulier pour les jeunes et les PME.

Enfin, le président de la Commission de l’UA a abordé la question délicate du financement de l’organisation, encore largement dépendante des bailleurs internationaux. Il a révélé que l’Union européenne a versé 600 millions d’euros à l’UA entre 2022 et 2024, notamment pour des missions de maintien de la paix.

Un appui important mais jugé insuffisant pour bâtir une institution souveraine. « Nous devons réduire notre dépendance financière », a-t-il insisté. Pour cela, plusieurs pistes sont à l’étude : une meilleure contribution des États membres, la mobilisation du secteur privé africain, et la création de mécanismes innovants de financement, comme des taxes continentales sur certaines transactions.

Mahmoud Ali Youssouf souhaite ainsi renforcer l’indépendance budgétaire de l’UA, condition essentielle pour qu’elle puisse agir librement et durablement au service du continent.

Entre urgence sécuritaire, défis économiques et réformes institutionnelles, Mahmoud Ali Youssouf ouvre un mandat ambitieux dans un contexte instable. Son approche pragmatique et volontariste place l’Union africaine face à ses responsabilités : celle de devenir une organisation plus efficace, plus intégrée, et plus indépendante. Reste à savoir si les États membres suivront le cap fixé.

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