
En 2025-2026, la République centrafricaine s’apprête à vivre un moment électoral sans précédent avec l’organisation simultanée de l’élection présidentielle, des législatives et des locales. Un triple scrutin censé marquer un tournant démocratique, mais qui se déroule dans un climat explosif, marqué par l’autoritarisme du régime, des tensions croissantes, et une insécurité endémique.
Longtemps repoussées, les élections locales, attendues depuis plus de trente ans, se tiendront finalement en même temps que les scrutins présidentiel et législatif.
Une première dans l’histoire du pays. Si cette démarche est officiellement présentée comme une avancée vers la décentralisation, elle suscite de vives inquiétudes.
La révision en cours du code électoral à l’Assemblée nationale alimente la suspicion d’un processus biaisé. L’opposition dénonce une instrumentalisation des institutions électorales, notamment l’Autorité nationale des élections (ANE) et le Conseil constitutionnel, tous deux accusés d’être inféodés au pouvoir. Plusieurs partis appellent déjà au boycott du scrutin, qu’ils estiment verrouiller.
Depuis 2016, le Mouvement Cœurs Unis (MCU) du président Faustin-Archange Touadéra consolide son emprise sur l’appareil d’État. Réélu en 2020 dans des conditions contestées, Touadéra a fait adopter en 2023 une nouvelle Constitution qui supprime la limitation des mandats présidentiels, lui ouvrant la voie à un nouveau bail au pouvoir.
Le régime intensifie sa stratégie de contrôle : communications officielles offensives, mobilisations partisanes, alliances internationales renforcées notamment avec la Russie. Mais cette posture inquiète, car elle s’accompagne d’un recul des libertés publiques et d’un étouffement de l’opposition politique, fragilisée et parfois réduite au silence.
Wagner, l’ombre russe sur le processus
Autre élément aggravant : la présence controversée des mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner. Si leur arrivée avait été saluée comme un renfort contre les groupes rebelles, leur action sur le terrain s’est rapidement muée en occupation brutale.
Accusés de violations des droits humains, d’intimidations contre les civils et d’exploitation illégale des ressources minières, les mercenaires russes sont désormais perçus par de nombreux Centrafricains comme un facteur d’oppression, et non de sécurité. Leur implication compromet davantage encore les conditions d’un vote libre et crédible.
Malgré la signature de nouveaux accords avec certaines factions armées, la situation sécuritaire demeure précaire. Des affrontements récents à Zémio entre les Forces armées centrafricaines (FACA) et le groupe Azandé Ani Kpi Gbé rappellent l’emprise persistante des groupes armés sur certaines régions du pays. Dans ce contexte, garantir l’accès universel aux urnes relèvera du défi, sinon de l’impossible.
Un processus sous perfusion internationale
Alors que le régime de Bangui peine à financer l’organisation du scrutin, le soutien international reste crucial. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le projet PAPEC assurent une grande partie du financement logistique. Mais au-delà de l’aide technique, c’est la volonté politique d’ouverture et d’inclusivité qui fait aujourd’hui défaut.
À quelques mois des échéances, une certitude s’impose : sans un dialogue politique national franc et sincère, impliquant opposition, société civile et partenaires extérieurs, ces élections risquent d’aggraver les fractures existantes.
Faute d’apaisement, le pays pourrait replonger dans un cycle de violence.