
En marge de la neuvième Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique (TICAD 9), le Président centrafricain, Pr. Faustin Archange Touadéra, a rencontré le Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, pour un entretien de haut niveau. Cette rencontre bilatérale, tenue dans l’enceinte prestigieuse de l’Hôtel Intercontinental de Yokohama, a mis en lumière les ambitions renouvelées des deux pays de consolider une coopération qui s’était faite discrète ces dernières années.
Au centre des échanges figuraient des thèmes structurants pour le développement de la République centrafricaine (RCA) : infrastructures, énergie, agriculture, éducation, santé, digitalisation et gouvernance. Autant de domaines dans lesquels l’expertise et l’investissement japonais pourraient constituer un levier majeur pour le redressement et la modernisation du pays.
Le Japon, acteur traditionnel de la TICAD depuis son lancement en 1993, cherche à se positionner comme un partenaire stratégique de l’Afrique face à la présence croissante d’autres puissances, notamment la Chine, la Russie et la Turquie. La République centrafricaine, quant à elle, est engagée dans une quête de diversification de ses partenariats économiques et diplomatiques.
Pour Bangui, la rencontre avec Shigeru Ishiba dépasse la symbolique diplomatique : elle ouvre une fenêtre d’opportunité pour attirer des financements et des projets concrets, dans un contexte où la RCA demeure confrontée à d’immenses défis de reconstruction post-conflit, de stabilisation institutionnelle et de développement économique.
« Cette rencontre de haut niveau marque un tournant pour la RCA. Elle traduit la volonté des autorités centrafricaines de bâtir une coopération plus équilibrée et axée sur des secteurs stratégiques », analyse un expert en relations internationales basé à Douala.
Les infrastructures et l’énergie en priorité
La question des infrastructures reste un défi central pour la RCA. Avec un réseau routier dégradé et une interconnexion régionale encore faible, le pays peine à stimuler ses échanges commerciaux. L’expertise japonaise dans la construction de routes, de ponts et de systèmes de transport pourrait apporter une valeur ajoutée décisive.
L’énergie constitue un autre pilier de la coopération envisagée. Alors que seulement une minorité de la population centrafricaine a accès à l’électricité, Tokyo pourrait accompagner Bangui dans le développement de projets hydroélectriques ou solaires, domaines où le Japon dispose d’un savoir-faire reconnu.
L’agriculture, qui fait vivre plus de 70 % des Centrafricains, représente un potentiel économique majeur mais reste sous-exploitée. La coopération japonaise pourrait introduire des technologies agricoles adaptées, améliorer les rendements et soutenir la transformation locale, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois.
En matière d’éducation et de santé, deux secteurs fortement fragilisés par des années de crise, l’appui japonais s’annonce crucial. Le Japon, fidèle à sa tradition d’aide au développement centrée sur le capital humain, pourrait soutenir la formation d’enseignants, la modernisation des écoles et le renforcement des infrastructures sanitaires.
La digitalisation au cœur du partenariat
Mais l’annonce phare de cette rencontre reste l’engagement du Premier ministre Ishiba : la formation de 30 000 experts africains en intelligence artificielle (IA) sur une période de trois ans. Cet investissement massif dans le numérique illustre la volonté du Japon de contribuer à l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale de demain.
Pour la RCA, dont la transition numérique reste embryonnaire, l’accès à ces formations pourrait représenter un atout majeur. La digitalisation des services publics, l’émergence d’entreprises locales dans le domaine des technologies et l’intégration au marché numérique continental prévu dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourraient bénéficier directement de cette initiative.
Sur le plan politique, cette rencontre revêt une portée symbolique. Elle traduit la reconnaissance de la RCA comme acteur diplomatique au sein des forums internationaux, malgré ses fragilités internes. En échange, le Japon y voit un partenaire potentiel au cœur de l’Afrique centrale, une région stratégique mais instable.
Cependant, les analystes restent prudents : « L’expérience montre que les grandes annonces de la TICAD doivent souvent être relativisées. Tout dépendra de la capacité des deux parties à traduire ces engagements en projets concrets et financés », tempère un chercheur de l’Institut panafricain d’études stratégiques.
La Renaissance