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Alors que le bitumage de l’axe reliant le centre-ville de Bangui à PK12 avance à grand pas, la Centrafrique s’engage dans un ambitieux projet régional aux côtés de l’Ouganda et du Soudan du Sud. Mais construire des routes ne suffira pas si l’État ne protège pas ses infrastructures, ne sécurise pas ses axes et ne bâtit pas une vraie stratégie d’intégration.

Que valent ces kilomètres de routes, si aucun projet politique sérieux ne les protège, les valorise, les relie à des politiques industrielles, agricoles ou éducatives ? Que reste-t-il d’un chantier routier quand les convois commerciaux sont rackettés à chaque poste de contrôle, quand les camions doivent circuler sous escorte militaire et que les marchés sont déconnectés des villages producteurs ?

En Afrique centrale, le développement des infrastructures a toujours été un enjeu géopolitique autant que technique. En Centrafrique, une route n’est pas qu’un lien entre deux points : elle est un acte politique. Elle signifie que l’État affirme sa présence, qu’il relie des territoires parfois oubliés et qu’il entend inscrire la République dans un espace tangible.

À cet égard, le chantier du bitumage entre Bangui et PK12 est bien plus qu’un aménagement urbain. Il est une promesse. Une promesse d’efficacité, de désenclavement, de normalité. Et surtout, une réponse à une urgence : celle de sortir Bangui de son isolement économique chronique.

Une vision régionale salutaire, mais fragile

Le projet commun avec l’Ouganda et le Soudan du Sud dans le même lot, qui ambitionne d’étendre un réseau routier fiable à travers la sous-région, témoigne d’un sursaut diplomatique bienvenu. Le corridor Bangui–Juba–Kampala pourrait devenir un axe vital de commerce et d’intégration. L’idée est juste. Sa mise en œuvre, cependant, butera sur de nombreux défis : le financement, la coordination politique, la stabilité sécuritaire dans des zones frontalières où l’État n’a souvent qu’une présence symbolique.

Les bailleurs de fonds internationaux, qui soutiennent ces projets, doivent l’entendre : injecter des millions dans l’asphalte sans s’assurer d’un environnement politique stable revient à construire sur du sable mouvant.

Chaque tronçon gagné contre la terre battue doit être consolidé par une politique publique claire : entretien régulier, lutte contre les actes de prédation, partenariat avec les communautés riveraines, création de centres logistiques, sécurisation des axes. Les routes ne doivent pas devenir les veines ouvertes de la République.

Cela suppose aussi de revoir le rôle de l’armée, des forces de sécurité intérieure, et même des institutions décentralisées. Les routes doivent être surveillées, pas militarisées. Respectées, pas redoutées.

Et après ?

Le bitume entre Bangui et PK12 ne doit pas être une fin en soi, mais un commencement. Une première pierre vers un système de transport national intégré, moderne, accessible et sécurisé. Il ne s’agit pas seulement de poser de l’asphalte, mais de dessiner une vision d’avenir où la route devient un outil de transformation sociale.

La Centrafrique a trop souvent vu ses projets échouer parce qu’on a cru qu’un chantier était une solution. En réalité, un chantier n’est qu’un outil. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait après. Et pour cela, il faut du courage politique, de la transparence, une écoute des populations et une diplomatie régionale intelligente. Le bitume, en somme, ne remplacera jamais la volonté.

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