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Après une suspension d’un mois, les débats contradictoires ont repris ce lundi dans l’affaire dite « Ndele 2 », opposant le Procureur Spécial à Oumar Serge Abdoulaye, Adramane Seleman alias Ada et Ahmat Hissene Abakar alias Encadreur, devant la Cour Pénale Spéciale (CPS) à Bangui.
 L’audience s’est ouverte sous haute surveillance, dans une salle comble, marquée par la présence d’observateurs internationaux et de représentants de la société civile. Au cœur de cette reprise : le réquisitoire du Procureur Spécial, Alain Tolmon.

Dans sa déclaration liminaire, le procureur est revenu sur le contexte des violences survenues dans la ville de Ndélé, chef-lieu de la préfecture de Bamingui-Bangoran, les 6, 7, 8 mars et le 29 avril 2020.

Ces dates correspondent à de violents affrontements intercommunautaires, ayant fait plusieurs dizaines de morts et provoqué d’importants déplacements de populations.

« Ces attaques n’étaient pas le fruit du hasard ou de simples rivalités locales. Elles ont été planifiées, coordonnées et exécutées avec une volonté manifeste de nuire à une population déterminée, les Ngoulas, sur la base de leur appartenance ethnique.  » A affirmé Me Tolmon.

Des témoignages accablants contre les accusés

Le procureur a ensuite détaillé les différentes étapes de la procédure judiciaire : arrestation des suspects, auditions, collecte de preuves, confrontation des témoignages.

« Plus de 22 témoins ont été entendus depuis l’ouverture de l’instruction. Plusieurs d’entre eux ont directement mis en cause Adramane Seleman alias Ada. »

Il a cité notamment un ancien habitant de Ndélé : « J’ai vu Ada donner des ordres. Il criait à ses hommes : ‘N’épargnez personne, brûlez tout ce qui appartient aux Ngoulas !’ »

Des enregistrements audio, des photos

d’habitations détruites et des rapports médicaux ont été versés au dossier.

Me Tolmon insiste : « Le mode opératoire, les cibles choisies et la répétition des actes démontrent l’existence d’un plan concerté. »

Toutefois, malgré les éléments accablants, le procureur reconnaît que l’enquête n’est pas encore bouclée : « Nous disposons de preuves solides, mais nous devons encore recueillir des expertises complémentaires notamment balistiques et anthropologiques pour garantir un procès équitable, fondé sur des faits irréfutables, et nous allons le faire. »

Si les charges actuelles portent principalement sur des crimes de guerre, des observateurs évoquent la possibilité d’une requalification en crimes contre l’humanité, en raison du caractère systématique des violences décrites.

Le parquet ne l’a pas exclu : « Selon l’évolution du dossier, et au regard des faits, cette option est juridiquement envisageable », a concédé Me Tolmon.

La reprise de l’affaire Ndele 2 symbolise bien plus qu’un simple retour d’audience. Elle représente un test majeur pour la crédibilité de la Cour Pénale Spéciale, institution hybride créée pour juger les crimes les plus graves commis en Centrafrique depuis 2003.

« Ce procès incarne l’espoir d’une justice rendue aux victimes et d’un tournant vers la fin de l’impunité », estime Mireille, membre d’une association de victimes présente à l’audience.

La suite des débats est attendue avec gravité. Ils se poursuivront toute la semaine, avec l’audition de témoins clés et le contre-interrogatoire de la défense.

La CPS, en rendant sa décision, sera scrutée bien au-delà de Bangui.

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