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Malgré les engagements officiels et la présence de mécanismes internationaux comme la CPI et la Cour pénale spéciale, la plupart des survivant·es de violences sexuelles liées aux conflits (VSLC) en République centrafricaine attendent toujours justice et réparation. C’est ce que révèle l’étude approfondie du Global Survivors Fund (GSF), menée entre 2021 et 2024 en partenariat avec des organisations locales telles que MOSUCA, CNAV et Obouni-RCA.

Depuis 2002, la RCA traverse une succession de conflits armés marqués par l’effondrement des institutions, la prolifération de groupes armés et l’internationalisation des violences. Dans ce chaos, les violences sexuelles ont été utilisées comme armes de guerre viols collectifs, actes de torture sexuelle, violences contre enfants, femmes et parfois hommes dans un climat d’impunité généralisée.

L’étude révèle que ces violences ont été commises aussi bien par des groupes armés locaux (Séléka, anti-balaka), que par des forces étatiques ou internationales (y compris certains éléments de la MINUSCA et de la force Sangaris). Le caractère systématique et massif de ces crimes en fait une tactique de guerre et un instrument de domination sur les civils.

Des survivant·es invisibles, stigmatisé·es, et marginalisé·es

L’étude repose sur des ateliers participatifs menés à Bangui, Dékoa et Bouca. Parmi les 37 survivant·es consulté·es : 76 % étaient célibataires, dont 30 % veuves depuis la crise. 35 % ont été déplacé·es à cause du conflit. Plus de 45 % vivent avec moins de 0,40 € par jour.

La plupart des survivant·es ont été violées collectivement, parfois à plusieurs reprises, et ont aussi subi des tortures, des détentions arbitraires ou des mutilations. Leurs récits révèlent une violence d’une intensité extrême, souvent commise au vu de leurs proches, avec des séquelles physiques et psychologiques profondes.

Si la RCA dispose des lois, de la CVJRR (Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation), et d’une Cour pénale spéciale (CPS), les réparations restent théoriques pour la majorité des survivant·es. À ce jour :

Aucun programme national de réparation n’est effectif. Cependant, une seule ordonnance de réparation de la CPS a été exécutée, pour 5 survivantes. La CPI a été perçue comme distante, notamment après l’acquittement de Jean-Pierre Bemba, figure centrale d’un dossier historique.

Les survivant·es expriment un sentiment d’abandon, un besoin de reconnaissance officielle, et réclament que les promesses de justice soient tenues. Beaucoup se disent fatigué·es d’être consulté·es sans qu’aucune suite concrète ne soit donnée.

Des recommandations pour passer de la parole aux actes

Le rapport formule des recommandations claires, structurées autour de plusieurs axes :

Pour l’État centrafricain : Opérationnaliser la CVJRR avec un financement propre. Créer un fonds national de réparation. Garantir un accès effectif à la justice et aux documents d’état civil. Lutter contre les inégalités de genre et la stigmatisation.

Pour les partenaires internationaux : Soutenir les mécanismes existants, tout en les adaptant aux réalités du terrain.Intégrer la co-création avec les survivant·es dans les politiques de réparation.Répondre aux abus commis par certains éléments des missions de maintien de la paix.

Pour la société civile : Renforcer la coordination des associations de survivant·es.Mettre en œuvre des mesures réparatrices intérimaires (MRI) comme base d’un futur programme national.Développer un plaidoyer unifié, loin de la concurrence entre structures.

Le rapport du GSF conclut que la reconnaissance du droit à réparation ne peut être différée davantage. Elle est non seulement une obligation juridique, mais aussi un levier de paix durable et de reconstruction du tissu social. À condition, toutefois, que les survivant·es soient au cœur du processus, et non de simples objets d’assistance ponctuelle.

« La violence sexuelle ne s’efface pas avec le temps. Mais la reconnaissance, la justice et la réparation peuvent aider à vivre avec. » Témoignage d’une survivante

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