
Pourquoi demander alors la levée de ses immunités alors que la cour constitutionnelle venait de nous produire une jurisprudence en condamnant Matata sans la levée de ses immunités ? MUTAMBA est-il plus député que Matata ? La justice congolaise rattrapée par ces propos hérésies. Avançons.
Il y a des coïncidences qui tiennent du mauvais théâtre. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, se retrouve désormais au cœur d’un scandale judiciaire pour un présumé détournement de 29 millions de dollars. Ironie suprême : ce pactole aurait transité par un marché de gré à gré conclu pour la construction… d’une prison à Kisangani. On croirait à une parabole écrite par un dramaturge en mal d’inspiration. Hélas, c’est la République qui en paie le prix, dans une mise en scène où la justice se donne en spectacle et les institutions s’écroulent dans un fracas de contradictions.
La demande formelle du Procureur près la Cour de cassation à l’Assemblée nationale pour obtenir la levée des immunités parlementaires du ministre vient réactiver un vieux malaise : celui d’un État de droit à géométrie variable, où la loi est parfois un instrument de régulation, parfois une arme de dissuasion, et trop souvent un simple décor pour une justice d’apparat.
Car il faut le dire sans ambages : la judiciarisation de la vie politique en RDC est devenue un mode de gouvernance autant qu’un spectacle permanent. On n’accuse plus pour rendre justice ; on accuse pour exposer, pour neutraliser, pour humilier. Dans cette logique, la vérité judiciaire devient secondaire. Ce qui compte, c’est le timing médiatique, la charge symbolique, l’effet de sidération dans l’opinion.
Or, s’agissant de Constant Mutamba, le paradoxe est total. Comment ne pas voir le vertige institutionnel qu’il y a à voir le patron de la Justice nationale, avocat zélé d’un « État de droit rénové », se retrouver au banc des potentiels prévenus ? Si les faits sont avérés, c’est un coup de massue pour la crédibilité déjà fragile du gouvernement. Mais s’ils sont infondés, c’est la preuve supplémentaire que la justice est instrumentalisée pour des règlements de comptes politiques internes.
Dans les deux cas, le peuple y perd. Ni la prison de Kisangani ni la probité institutionnelle n’en sortiront grandies. Le premier reste un mirage budgétivore, la seconde une promesse jamais tenue. Et dans ce théâtre absurde, les rôles sont redistribués sans logique : le juge devient parfois bourreau, le justiciable devient acteur, et le citoyen reste figé dans les gradins, spectateur impuissant d’un État qui se délite.
Alors non, ce n’est pas juste l’affaire Mutamba. C’est la preuve supplémentaire que, lorsque la justice devient spectacle, elle cesse d’être justice. Et que dans ce cirque républicain, les vraies chaînes ne sont pas celles de la future prison de Kisangani, mais celles d’un système verrouillé par l’impunité, l’opacité et le cynisme.