
Dans une déclaration exceptionnelle rendue publique ce vendredi 23 mai 25, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange, a brisé un long silence politique pour s’adresser à la Nation. Dans un discours à forte tonalité patriotique, il dit vouloir répondre à un « impératif moral » face à ce qu’il qualifie de crise existentielle pour le pays.
Un cri d’alerte solennel : « J’ai enfin décidé de briser ce long silence », a-t-il lancé dès l’ouverture de son message. L’ex-chef de l’État, retiré de la vie publique depuis la fin de son mandat en janvier 2019, affirme ne plus pouvoir se taire « au vu de la situation que traverse notre pays ». Il parle d’un Congo malade, dont le « pronostic vital est engagé ».
Ce discours intervient alors que plusieurs régions du pays, en particulier l’Est, sont le théâtre de violences persistantes, d’insécurité chronique, et de tensions sociopolitiques accrues.
Un retour sur les acquis de la transition démocratique
Joseph Kabila revient sur l’alternance politique intervenue en 2019, qu’il qualifie de « pacifique et civilisée ». Il salue ce moment historique mais déplore la dégradation de la situation depuis cette date. « En janvier 2019, notre pays se trouvait en bien meilleur état qu’au moment de ma propre accession à la magistrature suprême, en janvier 2001 », soutient-il.
Il critique les décisions actuelles du gouvernement congolais qui, selon lui, rendent la vie des citoyens « plus précaire que jamais ». Sans nommer explicitement les autorités actuelles, Kabila semble adresser un reproche voilé à la gouvernance du président Félix Tshisekedi.
Dans un passage particulièrement appuyé, Joseph Kabila appelle les dirigeants actuels à protéger les populations, notamment celles vivant dans les zones de conflit. Il insiste sur le rôle de l’État, de l’armée et de la justice, qui doivent être « véritablement au service de la population » et garants de l’ordre : « Ils ont droit à la vie, à la scolarisation de leurs enfants et aux autres conditions du bien-être », martèle-t-il à propos des Congolais oubliés par l’État.
Mémoire des crises passées et leçons de réconciliation
L’ancien président fait référence à son expérience dans la gestion des conflits, notamment pendant la guerre de 1998-2003. Il se dit convaincu que patriotisme et humanisme peuvent à nouveau servir de boussole pour sortir de la crise actuelle, comme cela avait été le cas à Sun City et lors de l’accord global et inclusif.
Il rappelle que la RDC a survécu à des moments critiques de son histoire grâce à la sagesse collective et à des dialogues courageux.
La partie la plus politique du message est sans doute l’appel lancé à tous les Congolais. Joseph Kabila exhorte ses compatriotes, sans distinction, à se rassembler autour de l’objectif de refondation de l’État. Il fait référence au Pacte républicain de Sun City et à la Constitution du 18 février 2006, piliers selon lui de la stabilité institutionnelle.
Il invite à une mobilisation nationale pour restaurer l’unité, sauver le Congo et préserver son indépendance, ajoutant que « l’Afrique et le monde nous regardent ».
Des piques à la diplomatie actuelle
Dans un passage critique, il tacle sans ambages la politique étrangère menée actuellement par Kinshasa. « Le Congo vaut mieux que la caricature qu’en donnent ses dirigeants actuels », déclare-t-il, condamnant une diplomatie qu’il juge marquée par les « jérémiades et la mendicité ». Une manière de se distancer des appels récurrents à l’aide internationale sans réponse structurelle aux défis internes.
Si Joseph Kabila affirme ne pas parler pour sa « famille politique ou biologique », la tonalité de son message et son contenu pourraient marquer un retour stratégique dans le débat national. Depuis son retrait en 2019, l’ancien président était resté discret, même au sein de sa plateforme, le Front Commun pour le Congo (FCC).
Cette prise de parole pourrait donc avoir des implications politiques majeures à quelques mois des échéances locales et alors que des tensions montent autour de la gestion sécuritaire et électorale du pays.
Réactions attendues
La déclaration de Joseph Kabila ne manquera pas de susciter des réactions contrastées. D’un côté, ses partisans y verront un acte de courage et un rappel salutaire à l’unité nationale. De l’autre, ses opposants pourraient dénoncer une tentative de ré-légitimation politique sur fond de critique du pouvoir actuel.