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L’élection de la République démocratique du Congo (RDC) ce 3 juin 2025 au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2026-2027 n’est pas seulement un succès diplomatique. C’est aussi un signal fort envoyé dans un contexte régional explosif, marqué par une crise sécuritaire majeure à l’Est du pays, où les combats entre les Forces armées congolaises (FARDC) et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon Kinshasa, s’intensifient.

C’est la troisième fois que la RDC accède à cette instance cruciale composée de 15 membres, dont 5 permanents. Elle y siégera cette fois avec le Liberia, la Lettonie, la Colombie et Bahreïn. Si ce siège offre à Kinshasa une tribune internationale inédite, il lui impose aussi une posture nouvelle : celle d’un pays qui, tout en dénonçant l’ingérence étrangère sur son sol, devra défendre la paix et la sécurité internationales dans un cadre multilatéral.

 « Ce poste permettra de faire entendre la voix du Congo et de l’Afrique sur les grands dossiers internationaux », s’est réjouie Tina Salama, la porte-parole du président Félix Tshisekedi. Pourtant, cette voix devra d’abord convaincre sur le dossier le plus brûlant pour Kinshasa : l’agression présumée du Rwanda sur le territoire congolais par le biais du M23, un conflit qui a déjà provoqué le déplacement de plus de 3 millions de civils.

Sur ce front, la diplomatie congolaise est engagée dans une bataille de crédibilité. En accédant au Conseil de sécurité, la RDC peut espérer internationaliser davantage son plaidoyer, obtenir une condamnation explicite du Rwanda ou encore renforcer le rôle de la MONUSCO bien que son retrait soit prévu. Mais cette opportunité peut aussi se retourner contre Kinshasa si la posture adoptée est perçue comme partiale, isolationniste ou conflictuelle.

Le dilemme de la cohérence

Le siège au Conseil exige un engagement constructif, parfois même avec des acteurs que Kinshasa accuse aujourd’hui d’agression. Or, dans la crise actuelle, la RDC dénonce non seulement Kigali, mais s’interroge aussi sur la neutralité de certains partenaires occidentaux et sur l’inefficacité du système onusien face aux crimes de guerre. La tension est telle que Félix Tshisekedi lui-même a récemment remis en question la légitimité de certaines médiations régionales.

Cette posture, si elle peut galvaniser l’opinion nationale, risque de fragiliser la crédibilité de la RDC sur la scène internationale. Le défi sera donc de transformer l’indignation en influence, la dénonciation en diplomatie active, sans céder sur les fondamentaux : l’intégrité territoriale, la protection des civils et la souveraineté nationale.

La RDC siégera au Conseil dans une période où le continent africain réclame avec de plus en plus d’insistance une réforme du Conseil de sécurité, notamment pour y inclure des membres permanents africains. À cet égard, le Congo devra aussi porter une vision continentale, au-delà de ses propres urgences. Cela suppose des alliances, une vision stratégique, et une diplomatie offensive mais inclusive.

Cette élection arrive aussi à un moment charnière pour le président Tshisekedi, fraîchement réélu, mais confronté à une instabilité croissante, à des critiques sur la gouvernance et à une opposition qui accuse le régime de dérives autoritaires. Ce siège au Conseil de sécurité sera à la fois un levier de légitimation externe et un miroir international de la cohérence de sa politique intérieure et régionale.

La RDC entre au Conseil de sécurité alors qu’elle est en guerre. Cette contradiction apparente pourrait devenir une force, si elle parvient à faire entendre une voix lucide, forte et crédible, non seulement pour elle-même, mais pour tous les pays qui, comme elle, vivent les tensions d’un monde multipolaire. Le siège est là. Reste maintenant à occuper la chaise avec l’autorité d’un pays en paix avec lui-même.

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