
À quelques mois des élections législatives cruciales, le Mouvement Cœurs Unis (MCU), pilier du pouvoir en Centrafrique, montre des signes inquiétants de désunion. Deux incidents retentissants survenus à Boali et à Mbaïki 1 dévoilent les luttes intestines qui fragilisent la cohésion du parti présidentiel et la crédibilité de ses processus démocratiques internes.
Dans la circonscription de Boali, considérée comme un bastion stratégique, l’ancien Premier ministre et député sortant, Firmin Ngrebada, a publiquement récusé les résultats des primaires du MCU qui ont vu l’émergence de Davy Bouguinza comme candidat officiel. Estimant que le bureau d’organisation des primaires est « partial » et manipulé, Firmin Ngrebada a dénoncé des « manœuvres politiciennes » orchestrées pour écarter sa candidature.
« Ce sont les électeurs qui décident, pas les officines internes du parti », a-t-il déclaré, en rejetant catégoriquement l’ensemble du processus. Face à cette situation, l’ancien chef du gouvernement envisage désormais de se porter candidat indépendant, un choix qui risque de redistribuer les cartes dans une circonscription hautement disputée.
Mbaïki 1, Brice Kevin Kakpayen claque la porte et accuse des règlements de comptes politiques
Le même climat de tensions prévaut à Mbaïki 1. Le député sortant Brice Kevin Kakpayen a annoncé son retrait des primaires du MCU, dénonçant un sabotage organisé par son collègue Makango Ghislain Magloire. Dans une lettre adressée à la direction du parti, il accuse ce dernier de mener une campagne de représailles visant à l’éliminer du processus.
Au centre de cette discorde, la récente réforme constitutionnelle qui impose désormais des critères de niveau académique pour l’éligibilité aux fonctions électives. Kakpayen affirme être la cible privilégiée des « députés sans Bac », une frange du parti qu’il accuse de vouloir manipuler les nouvelles règles pour éliminer certains candidats : « Tout a été orchestré pour bloquer ma candidature », fustige le député sortant qui, lui aussi, se dit prêt à poursuivre la bataille électorale sous la bannière d’une candidature indépendante.
Ces épisodes de Boali et de Mbaïki 1 traduisent un malaise profond au sein du parti au pouvoir. Derrière ces rivalités personnelles se dessinent des enjeux politiques majeurs : guerre de positionnement, règlements de comptes internes, ambitions contrariées, instrumentalisation des règles de désignation.
Alors que le président Touadéra et sa formation cherchent à consolider leur majorité dans un contexte régional incertain, ces divisions internes constituent une menace sérieuse. Le risque est réel de voir les candidatures dissidentes affaiblir la base électorale du MCU, jusque-là dominant dans ces circonscriptions clés.
Au-delà des querelles locales, c’est la crédibilité même des mécanismes démocratiques internes du MCU qui est aujourd’hui interrogée. Dans un pays où la consolidation de l’État de droit reste fragile, ces crises internes pourraient avoir des répercussions bien au-delà du seul cadre partisan et elles donneront la libre court à l’opposition de récupérer la scène.
Face à ces accusations publiques et aux signaux d’alarme répétés, la direction nationale du MCU, jusqu’ici, garde le silence. Un silence qui en dit long sur les difficultés à contenir des tensions qui, si elles ne sont pas rapidement réglées, pourraient dégénérer en véritable crise politique interne.