
Alors que les nombreux militants et militantes du parti au pouvoir, venus des quatre coins du pays, d’Afrique et d’Europe, sont repartis avec de bons souvenirs du deuxième congrès ordinaire tenu les 25 et 26 juillet derniers à Bangui, l’ambiance n’a pas été la même pour le Rapporteur du Conseil juridique et d’assistance au Secrétaire Exécutif National.
Le professeur Nduï Yabela, figure influente du parti et universitaire respecté, n’a pas digéré ce qu’il considère comme un coup bas porté par ses propres collègues au sein de la même commission. Dans une lettre fleuve de 18 pages datée du 4 Aout, adressée au Secrétaire Exécutif National et intitulée :
« Dénonciation d’un acte inacceptable et extrêmement grave posé par le frère uni Arnaud DJOUBAYE ABAZENE, président du Conseil juridique et d’assistance au Secrétaire Exécutif National, lors des assises du deuxième congrès ordinaire de notre parti », il expose avec vigueur son indignation.
Mêlant références philosophiques, juridiques et politiques, le professeur Nduï Yabela livre une démonstration brillante de son savoir en sciences politiques. Il dénonce l’attitude de certains frères unis qui, selon lui, le traiteraient comme un membre du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), comme si une mise à l’écart systématique s’imposait aux membres de cette plateforme de l’opposition.
S’en prenant vertement au Ministre d’État, Garde des Sceaux, Arnaud Djoubaye Abazène, également président du Conseil juridique, le professeur Nduï Yabela n’a pas digéré le retrait de son nom de la liste des candidats aux législatives pour le compte du MCU à Nola 1, survenu lors du deuxième jour du congrès.
Dans sa lettre, il qualifie cet acte de « grave et inacceptable », accusant le président de la commission juridique de soutenir son challenger, Abdoulaye Hassane Pogola, pourtant désigné vainqueur lors de la primaire organisée dans cette circonscription électorale.
Cependant, selon des témoignages recueillis auprès du bureau sous-fédéral de la Sangha-Mbaéré, la primaire s’est déroulée dans une transparence totale, en présence des représentants des trois candidats, tous physiquement absents.
« Nous avons organisé cette primaire en toute transparence, devant les membres du parti. La preuve : le troisième candidat, pourtant non retenu, ne s’est pas plaint. Il faut respecter notre travail et le sacrifice que nous consentons pour servir le MCU auprès de la population locale», a déclaré un membre du bureau fédéral de Nola.
Approché par notre rédaction, Abdoulaye Hassane Pogola, le jeune candidat retenu, a affirmé n’avoir reçu aucune notification du Secrétariat national relative à une quelconque requête déposée contre lui.
Or, si la réclamation de Nduï Yabela avait été traitée conformément aux textes du parti, l’accusé aurait dû être convoqué pour répondre aux motifs évoqués : absence de Baccalauréat et non-détention de la carte de membre MCU. Ce qui, selon nos sources, n’a pas été fait.
Ainsi, plusieurs observateurs estiment que Nduï Yabela, en étant à la fois juge et partie, aurait abusé de sa position au sein de la commission dont il est membre pour faire invalider son concurrent.
Mais lorsque la vérité a éclaté en plein congrès, alors même que le candidat Abdoulaye était absent, le président de la commission, Arnaud Abazene DJOUBAYE, approché par les membres du bureau fédéral de Nola, a rapidement réalisé qu’il avait été induit en erreur par son rapporteur.
Face à cette situation, il s’est rétracté et a ordonné la reprise des primaires dans la circonscription de Nola 1 afin de départager les deux candidats en toute transparence. Une décision que Nduï Yabela peine manifestement à accepter.
Pourquoi Nduï Yabela tient-il tant à invalider la candidature du jeune Abdoulaye Hassane Pogola ?
Serait-il un véritable challenger qu’il redoute lors du scrutin ? Autant de questions qui méritent d’être posées au regard de l’acharnement du professeur. Mais au-delà de cette polémique, un autre fait attire l’attention : la longue lettre de 18 pages qu’il a adressée au Secrétaire Exécutif National.
Dans ce document, Nduï Yabela ne se limite pas à contester l’issue des primaires. Il s’engage dans une vaste démonstration intellectuelle mêlant références philosophiques, juridiques et politiques, allant jusqu’à dresser un diagnostic sévère du système éducatif centrafricain et de l’appareil judiciaire.
Évoquant le niveau d’éducation et de formation des avocats et magistrats centrafricains, le professeur Nduï Yabela écrit : « et compte tenu du niveau de formation auquel ils se sont arrêtés, sans oublier les conditions d’études particulièrement alarmantes en Centrafrique (effectif dérisoire d’enseignants de rang magistral, bibliothèque universitaire dépourvue d’ouvrages juridiques actualisés, une seule librairie dont les rayons ne contiennent aucun livre de droit, etc.), les magistrats ou les avocats centrafricains n’ont, selon des qualificatifs empruntés au Professeur Émile GIRAUD, qu’une vue étriquée, superficielle et banale du droit. Pour abonder dans le même sens qu’un conseiller d’État français et cela est un secret de polichinelle, depuis les débuts du nouveau millénaire, caractérisés par des crises militaro-politiques à répétition, « la formation juridique de la plupart d’entre eux est relativement lègère ».
Une telle déclaration, venant d’un universitaire de renom, ancien directeur de l’ENAM, l’institution chargée de former les cadres du système judiciaire soulève de nombreuses interrogations.
À qui le professeur Yabela en veut-il réellement ? Est-ce une autocritique implicite de sa propre responsabilité dans la dégradation du système ? Ou s’agit-il d’une remise en cause directe de la politique éducative menée par le Président de la République et son gouvernement depuis près de dix ans aux affaires ?
Il convient de signaler que Nduï Yabela est devenu professeur par décret présidentiel, sans jamais avoir été candidat au CAMES.
Cette sortie maladroite et hasardeuse du Directeur de Cabinet du Premier ministre illustre clairement les tensions croissantes au sein du MCU, notamment après les défaites de NGREBADA aux primaires de Boali et de KAPKAYEN à Mbaïki. La boîte de Pandore étant désormais ouverte, il faudra suivre de près, jusqu’en décembre, les éventuelles frasques au sein du parti au pouvoir.