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Le gouvernement ougandais a annoncé, dimanche, la suspension immédiate de toute coopération militaire avec l’Allemagne. Cette décision marque un nouvel épisode de tensions croissantes entre Kampala et certaines puissances occidentales, alors que le régime du président Yoweri Museveni fait l’objet de vives critiques internationales pour sa gestion autoritaire du pouvoir et sa répression persistante de l’opposition.

Dans un communiqué diffusé dimanche 26 mai 2025, un porte-parole de l’armée ougandaise a justifié cette décision par le comportement présumé de l’ambassadeur allemand en poste, Matthias Schauer, accusé de s’être livré à des “activités subversives” en Ouganda. Si le communiqué ne donne pas de détails précis sur les faits reprochés, il s’inscrit dans une série de déclarations récentes des autorités ougandaises pointant du doigt les “ingérences étrangères” dans les affaires intérieures du pays.

Un précédent communiqué de l’armée, publié vendredi 24 mai 25, dénonçait certaines missions diplomatiques européennes soupçonnées de soutenir “des groupes négatifs et traîtres”, en référence à des organisations de la société civile et à des mouvements d’opposition qui contestent le pouvoir de Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986.

Muhoozi Kainerugaba en première ligne

La réaction la plus remarquée est venue de Muhoozi Kainerugaba, fils du président Museveni et chef de l’armée de terre, connu pour ses prises de position clivantes sur les réseaux sociaux. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), il a directement ciblé Matthias Schauer : « Nous avons quelques problèmes avec l’actuel ambassadeur allemand en Ouganda. Cela le concerne lui en tant que personne. Il n’est absolument pas qualifié pour être en Ouganda. Cela n’a rien à voir avec le grand peuple allemand. Que j’admire beaucoup. »

Cette déclaration, tout en séparant le diplomate de l’État qu’il représente, n’en demeure pas moins une attaque personnelle inédite contre un haut représentant de l’Union européenne. L’ambassade allemande à Kampala n’a pas encore officiellement réagi à ces accusations.

Cette rupture militaire avec l’Allemagne illustre un resserrement du régime ougandais face aux critiques occidentales. Ces dernières années, plusieurs partenaires internationaux, notamment l’Union européenne, les États-Unis et certaines ONG, ont dénoncé : des élections entachées de fraudes, des arrestations arbitraires d’opposants, la répression des manifestations, et une dérive autoritaire de l’État.

La récente promulgation de lois controversées, notamment celle criminalisant l’homosexualité, a également conduit à des sanctions ciblées et à un gel partiel de certaines aides au développement.

En réponse, l’Ouganda semble désormais miser sur de nouveaux alliés géopolitiques, notamment la Chine, la Russie et la Turquie, pour contrebalancer l’influence occidentale. Cette stratégie s’accompagne d’un discours souverainiste et nationaliste, qui gagne en intensité dans les cercles du pouvoir à Kampala.

Quels impacts pour la coopération militaire et sécuritaire ?

La coopération militaire germano-ougandaise, bien que limitée en volume, portait notamment sur : la formation de forces spéciales ougandaises, des programmes de lutte contre le terrorisme dans la région des Grands Lacs, le soutien logistique à certaines opérations régionales.

Sa suspension pourrait affecter la capacité de l’armée ougandaise à maintenir des standards de formation internationaux et compromettre certains projets bilatéraux liés à la sécurité transfrontalière.

Par ailleurs, cela risque d’isoler davantage Kampala sur le plan diplomatique, dans un contexte régional déjà sous tension, notamment avec la situation au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo, ou encore au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est, où les rivalités se multiplient.

Au-delà du volet militaire, cette crise diplomatique pourrait nuire à l’attractivité de l’Ouganda auprès des investisseurs étrangers, notamment européens. L’Allemagne, deuxième puissance économique de l’UE, est un partenaire important en matière de développement et d’infrastructures. La détérioration des relations pourrait freiner plusieurs projets en cours.

La suspension de la coopération militaire avec l’Allemagne marque un pas dans les relations extérieures de l’Ouganda. En s’attaquant frontalement à un diplomate européen, le régime de Yoweri Museveni envoie un message fort de rejet de l’ingérence occidentale, tout en s’exposant à de nouvelles sanctions et à un isolement accru.

Dans un paysage politique déjà instable, cette décision pourrait renforcer les tensions internes et compliquer davantage les relations entre Kampala et ses partenaires internationaux. Reste à savoir quelle sera la réponse de l’Allemagne et plus largement de l’Union européenne face à cette escalade diplomatique inédite.

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