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L’histoire tragique de la Libye et de l’homme qui a osé rêver
 À cheval entre rêve et désillusion, la Libye incarne peut-être mieux que tout autre pays la trajectoire fulgurante et tragique d’un État passé de l’opulence à la ruine. Au cœur de ce drame se trouve un homme : Mouammar Kadhafi. Révolutionnaire pour certains, tyran pour d’autres, il aura été l’architecte d’un projet grandiose mais éphémère.

Le 1er septembre 1969, un jeune capitaine de l’armée, âgé de seulement 27 ans, renverse sans effusion de sang le roi Idris Ier. Mouammar Kadhafi, inspiré par le nationalisme arabe de Gamal Abdel Nasser, promet une Libye forte, souveraine et unie. Très vite, il abolit la monarchie, nationalise le pétrole, et fonde une “Jamahiriya”, une “République des masses”, gouvernée théoriquement par le peuple.

Pendant les années 1970 et 1980, les revenus pétroliers transforment le pays. L’État offre un accès gratuit à la santé et à l’éducation, construit des routes, des hôpitaux, des logements. En quelques années, la Libye dépasse nombre de ses voisins en termes de développement humain. L’un de ses projets les plus fous : la « Grande Rivière Artificielle », un réseau d’aqueducs gigantesques pour irriguer le désert.

Un rêve qui vire au cauchemar

Mais cette réussite matérielle cache une réalité plus sombre. Le régime devient rapidement autoritaire. Toute opposition est réprimée. Les “comités révolutionnaires” infiltrent chaque recoin de la société. Les médias sont muselés, les opposants pourchassés, parfois même à l’étranger. Kadhafi développe également une politique étrangère provocatrice : soutien à des mouvements armés, implication dans des attentats notamment celui de Lockerbie en 1988.

Isolé sur la scène internationale, placé sous sanctions, le Guide libyen finit par se rapprocher de l’Occident au début des années 2000. Il abandonne ses programmes d’armes non conventionnelles et tente de se racheter une image. Mais en coulisses, le pouvoir reste opaque, autocratique, et toujours concentré autour du clan Kadhafi.

Le soulèvement de 2011 : la chute brutale

En 2011, le vent du Printemps arabe souffle sur la Libye. Des manifestations éclatent à Benghazi, réprimées dans le sang. Rapidement, le soulèvement se transforme en guerre civile. L’OTAN, sous mandat de l’ONU, intervient militairement. En octobre, après des mois de combats, Mouammar Kadhafi est capturé et tué à Syrte par des rebelles.

Son décès marque la fin d’une ère, mais aussi le début d’un vide béant. L’État libyen s’effondre.

Dix ans de chaos et d’errance

Depuis 2011, la Libye n’a jamais retrouvé la stabilité. Deux gouvernements rivaux, à Tripoli et à Benghazi, se disputent le pouvoir. Les milices armées prolifèrent. Des groupes terroristes s’infiltrent. Le pays devient un carrefour du trafic d’armes, de drogues, et de migrants. Les revenus pétroliers, au lieu d’enrichir la population, alimentent la corruption et les rivalités.

Les citoyens, pris en étau entre factions armées et misère économique, regrettent parfois le “temps de Kadhafi” — non par nostalgie du despotisme, mais par désespoir face au chaos.

Le rêve brisé

La Libye d’aujourd’hui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Autrefois symbole d’espoir pour certains pays africains, elle est devenue un avertissement. L’histoire tragique de Mouammar Kadhafi n’est pas celle d’un simple dictateur. C’est celle d’un homme qui a osé rêver d’un modèle alternatif, mais qui, en voulant tout contrôler, a tout perdu et entraîné son pays avec lui.

Le rêve de grandeur s’est mué en ruines. Et dans les sables du désert libyen, ce qui reste, ce sont les échos d’un passé glorieux, et les larmes d’un peuple qui cherche encore la paix.

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