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Sous le soleil implacable de Bangui, les marchés de KM5 et Kette Goussa, situés respectivement dans le quartier populaire et derrière l’aéroport international Bangui M’Poko, sont des lieux dynamiques où des centaines de femmes contribuent de manière significative à l’économie informelle de la capitale.

Ces femmes, souvent invisibles dans les discours économiques classiques, sont pourtant les véritables héroïnes du quotidien, menant un combat acharné pour subvenir aux besoins de leurs familles et soutenir l’économie locale.

Le marché de KM5, l’un des plus anciens et fréquentés de Bangui, est un carrefour commercial où se côtoient une multitude de vendeurs et d’acheteurs venus des quatre coins de la ville. Chaque matin, des dizaines de femmes, principalement des mères de famille, prennent place derrière leurs étals, prêtes à vendre des produits alimentaires, des poissons, des légumes et autres marchandises de consommation courante. C’est l’une des scènes quotidiennes où l’on voit les femmes au cœur de l’économie informelle.

Parmi elles, Maman Alice, la quarantaine, est une commerçante bien connue de ce marché. Chaque jour, elle se lève tôt pour acheter des poissons frais au fleuve M’Poko avant de les revendre au marché KM5 : « Le matin, je vais au fleuve avec mon mari pour acheter du poisson. Je le revends ici, au marché, et je garde une partie pour ma famille. Mais ce n’est pas suffisant », raconte-t-elle en ajustant les poissons sur son étal, son regard concentré. Son mari, chauffeur, n’arrivant pas à couvrir toutes les dépenses du ménage, Maman Alice a pris sur elle de compléter les revenus familiaux.

« Je fais ça pour nous. Mon mari est chauffeur, mais son salaire ne couvre pas toutes les charges de la maison. C’est pour ça que je m’investis dans ce commerce. Avec l’argent que je gagne ici, j’arrive à payer la scolarité de mes enfants et à assurer les besoins quotidiens », explique-t-elle, tout en écoutant attentivement les demandes des clients.

Ses enfants l’aident aussi dans ce commerce, notamment le soir, en braisant les poissons après l’école : « Ils m’aident à préparer les poissons grillés à vendre le soir. Cela nous aide vraiment à joindre les deux bouts. »

Pour Maman Alice, le commerce est plus qu’une simple activité commerciale : « Ce n’est pas juste pour nourrir ma famille, c’est pour leur donner un avenir. Ce petit commerce m’a permis de leur offrir une éducation, et c’est très important pour moi », poursuit-elle. Selon elle, dans un pays où les opportunités de travail formel sont limitées, il est essentiel pour une femme de pouvoir compter sur ses propres moyens pour contribuer à l’économie du foyer.

« Kette Goussa : un marché en plein essor derrière l’Aéroport mais oublié »

À quelques kilomètres de là, derrière l’aéroport international Bangui M’Poko, se trouve le marché de Kette Goussa. Ce marché moins fréquenté que KM5 est tout aussi dynamique et rassemble une autre catégorie de femmes commerçantes, souvent venues des quartiers périphériques. Ici, les étals sont moins nombreux, mais l’effervescence est palpable, avec des femmes qui proposent des légumes frais, des épices, des fruits, et des produits artisanaux, tout en essayant de faire face aux mêmes défis économiques.

Marie-Claire, une jeune mère de famille, tient son étal de légumes au marché de Kette Goussa. Comme Maman Alice, elle a pris sur elle de soutenir son ménage : « Je vends des légumes tous les jours ici à Kette Goussa. C’est ce commerce qui nous permet de manger. Mon mari travaille comme taxi-moto, mais son salaire n’est pas constant. C’est moi qui prends en charge beaucoup de choses à la maison », explique-t-elle, le regard déterminé.

Elle vend des légumes qu’elle achète auprès des producteurs locaux, mais elle a également diversifié ses produits pour augmenter ses revenus : « En plus des légumes, je vends aussi des condiments comme l’ail, les piments et parfois des fruits. Cela m’aide à mieux gérer le budget de la famille. »

Marie-Claire, comme d’autres commerçantes de ce marché, a appris à gérer ses finances pour épargner et couvrir les besoins de ses enfants : « C’est important d’économiser un peu chaque mois, car avec les hauts et les bas de la vente, on ne sait jamais ce qui va se passer. J’ai aussi appris à bien gérer l’argent de manière à pouvoir payer la scolarité de mes enfants. Ils ont des rêves, et je veux qu’ils aient un avenir meilleur », ajoute-t-elle avec un sourire discret.

Les femmes des marchés de KM5 et Kette Goussa ne sont pas simplement des commerçantes. Elles sont aussi des entrepreneures qui font face aux défis de la vie avec une résilience et une ingéniosité qui méritent d’être reconnues. Loin d’attendre des aides extérieures, elles trouvent des solutions pratiques pour soutenir leur ménage. Ces femmes, en vendant des produits de base ou en développant de petites entreprises, participent activement à la réduction des inégalités économiques et sociales dans une ville où le chômage et la pauvreté sont omniprésents.

Les témoignages de Maman Alice et Marie-Claire sont des illustrations frappantes de cette volonté de survie et de dignité. Si elles parviennent à joindre les deux bouts, c’est grâce à leur travail acharné, leur organisation, et leur capacité à s’adapter aux réalités économiques locales. Pour elles, l’autonomie financière est la clé pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants, mais aussi un moyen de garantir leur place dans un environnement où les femmes sont encore souvent cantonnées à des rôles secondaires.

« Un combat quotidien pour l’autonomie et la dignité »

Les marchés de KM5 et Kette Goussa sont des lieux vivants, non seulement par leur activité commerciale, mais aussi par les histoires qu’ils portent. Ces femmes commerçantes, souvent invisibles dans les discours économiques officiels, jouent pourtant un rôle essentiel dans la survie de nombreuses familles et dans le maintien d’une économie locale informelle qui, malgré les difficultés, continue de fonctionner. Leur travail n’est pas seulement une question de commerce, mais un acte de survie, un engagement pour la dignité et l’autonomie.

À travers ces marchés, les femmes de Bangui prouvent que l’entrepreneuriat féminin est non seulement un levier de développement économique, mais aussi un moyen de renforcer l’égalité des sexes et de bâtir un avenir plus solide pour les générations à venir. Leur résilience face aux défis quotidiens et leur capacité à transformer les obstacles en opportunités sont des exemples à suivre pour toute la société centrafricaine.

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