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Le Rwanda a officiellement annoncé son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), marquant une nouvelle rupture avec cette organisation régionale dont il dénonce le fonctionnement biaisé. Le gouvernement rwandais évoque une institution « instrumentalisée » par la République démocratique du Congo (RDC) et accuse la CEEAC de « violations de ses propres règles », notamment concernant la présidence tournante du Rwanda, écartée lors du 26 sommet tenu à Malabo, en Guinée équatoriale.

Cette décision s’inscrit dans un climat de vives tensions diplomatiques et sécuritaires entre Kigali et Kinshasa. Le Rwanda reproche à la RDC d’utiliser les instances régionales pour l’isoler sur la scène diplomatique et faire valoir ses propres positions dans le conflit en cours dans l’Est congolais, où les deux pays s’accusent mutuellement de soutenir des groupes armés.

Le sommet de Malabo a agi comme un catalyseur. Kigali devait assurer la présidence tournante de l’organisation, mais s’est vu écarté de cette responsabilité sans explication claire, une décision interprétée par Kigali comme une grave entorse aux principes de fonctionnement de la CEEAC.

Un précédent déjà marqué en 2007

Ce retrait n’est pas une première. En 2007, le Rwanda s’était déjà retiré de la CEEAC, invoquant des raisons d’efficacité et de chevauchement d’agendas avec d’autres organisations régionales comme la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), à laquelle le pays est également membre. Il avait cependant réintégré la CEEAC en 2016, dans une dynamique de coopération régionale élargie.

Ce nouvel acte de rupture témoigne d’une perte de confiance profonde dans la capacité de l’institution à jouer un rôle neutre et structurant dans la sous-région. Il pourrait aussi révéler une volonté de recentrer l’action diplomatique et sécuritaire du Rwanda sur d’autres alliances régionales, voire bilatérales.

Le cas rwandais rappelle plusieurs précédents sur le continent. En 1962, le Mali avait quitté la zone franc CFA pour frapper sa propre monnaie, le franc malien, motivé par une volonté d’autonomie monétaire et politique. Face à de sévères difficultés économiques, le pays avait fini par réintégrer la zone CFA en 1984.

De même, la Mauritanie avait quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 2000, exprimant des désaccords sur certaines orientations économiques et sécuritaires. Pourtant, en 2017, elle a signé un accord de coopération renforcée avec l’organisation, facilitant notamment la libre circulation des personnes et des biens.

Ces exemples illustrent une constante en Afrique : le retrait d’une organisation régionale ne signifie pas forcément une rupture définitive. Il peut être une stratégie de pression, une posture diplomatique ou un ajustement temporaire dans un paysage institutionnel africain en constante recomposition.

Quel avenir pour la CEEAC et pour l’intégration régionale ?

La décision du Rwanda pose à nouveau la question de la crédibilité et de l’efficacité des organisations régionales africaines, souvent critiquées pour leur bureaucratie, leur lenteur d’action et leur perméabilité aux intérêts politiques nationaux. Si le retrait du Rwanda est une perte symbolique pour la CEEAC, celle-ci conserve cependant dix autres États membres. L’enjeu principal pour l’organisation sera désormais de restaurer la confiance entre ses membres et de démontrer sa capacité à agir de manière impartiale et efficace.

Quant au Rwanda, tout porte à croire que ce retrait ne marque pas une rupture définitive. L’histoire africaine récente a prouvé que les dynamiques d’adhésion et de retrait sont souvent cycliques. Dans un contexte géopolitique mouvant, marqué par des défis sécuritaires communs et des intérêts économiques partagés, le retour à la table des négociations demeure toujours une option envisageable.

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