
Avec la présence croissante des alliés russes qui occupent de plus en plus le terrain, comment la France va-t-elle s’en sortir et quels bénéfices la République Centrafricaine peut-elle tirer d’une telle coopération ?
Après plus de trois années de tensions diplomatiques, la France et la République Centrafricaine (RCA) ont décidé de renouer les liens et de remettre sur pied une coopération. Les différentes rencontres entre les Chefs d’État en 2024, marquées par la mise en place d’une feuille de route de Paris, tenue secrète jusqu’à ce jour, annonce une ère nouvelle, mais incertaine. La question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir ce que ce retour va réellement signifier pour le peuple centrafricain et particulièrement la jeunesse.
Depuis la rupture des relations, les autorités centrafricaines ont trouvé de nouveaux partenaires, et la présence grandissante de groupes paramilitaires comme Wagner sur le sol centrafricain a accéléré la réorientation géopolitique du pays. Au-delà de la coopération militaire qui lie la Russie et la RCA, plusieurs domaines stratégiques, notamment l’économie et les ressources minières, intéressent profondément les alliés russes, qui investissent massivement pour sécuriser leurs positions. Ce réalignement a clairement redéfini les contours de la politique étrangère centrafricaine et les relations diplomatiques avec l’Occident.
Ces derniers, avec leurs ressources et leurs influences, ont d’ores et déjà remodelé l’équilibre du pouvoir. Et c’est dans ce contexte compliqué que la France choisit de revenir. Une démarche qui, sans nul doute, mérite d’être suivie de près.
Ce retour ne doit pas seulement être une remise en cause des rapports de force internationaux. Il doit d’abord et avant tout apporter des réponses concrètes aux préoccupations de la population centrafricaine. La jeunesse, qui peine à trouver des opportunités d’emploi et d’insertion professionnelle, attend beaucoup d’une coopération qui n’ignore pas ses réalités. Les Centrafricains n’ont que faire des stratégies géopolitiques ; ils veulent de la formation, de l’emploi, la sécurité, de la stabilité et, surtout, une chance de sortir de la pauvreté qui gangrène la majeure partie de la pauvreté.
Les questions essentielles restent ouvertes : quel type de coopération la France peut-elle offrir à la RCA ? Sera-t-elle une coopération véritablement bénéfique aux Centrafricains ou une simple manœuvre pour regagner une influence dans une Afrique de plus en plus multipolaire ? La France pourrait-elle faire oublier l’image d’une puissance qui a longtemps été perçue comme déconnectée des réalités locales, voire arrogante ? Les jeunes centrafricains, souvent déçus par les promesses politiques de développement non tenues, seront-ils réceptifs à ce nouveau partenariat ?
Le retour de la France devrait également obliger à une réévaluation de la présence des paramilitaires russes et de leur influence sur les affaires intérieures du pays. La France a, par le passé, été accusée de mener des politiques interventionnistes et paternalistes. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de faire retour sur le terrain en imposant une nouvelle forme de tutelle, mais d’apporter une aide tangible, concrète et respectueuse des choix souverains du pays, telle que le prônent les deux parties signataires de cette fameuse feuille de route de Paris.
La balle est dans le camp de la France, qui doit prouver que ce n’est pas seulement une nouvelle course à l’influence dans un continent dont l’avenir se redessine. Elle doit offrir une aide au développement qui soit à la hauteur des attentes d’une population meurtrie par des années de colonisation et des conflits et d’instabilité.
Au travers ce retour, la jeunesse centrafricaine va apprécier qui des deux partenaires est capable de l’accompagner dans sa quête de quiétude sociale vers un avenir radieux.
Les engagements qui seront pris ne devront pas être vains. Ils doivent tenir compte des véritables besoins du peuple centrafricain, de la réconciliation nationale et de la mise en place d’un système de gouvernance transparent dans le strict respect des aspirations de la population. La France se doit de montrer qu’elle est prête à soutenir la RCA dans son processus de développement, à investir dans la jeunesse en premier lieu et à contribuer à la reconstruction d’un pays qui cherche encore sa voie.
Si ce partenariat doit voir le jour, il ne pourra se faire sans prendre en compte les aspirations profondes du peuple centrafricain. Le nouveau paradigme exige une proximité accrue avec la population, plutôt qu’avec des dirigeants qui, parfois, semblent déconnectés des réalités du terrain.
La France doit tout faire pour se réinventer en RCA et répondre aux attentes d’un peuple qui aspire avant tout à la stabilité, la prospérité et à un avenir où la souveraineté nationale prime. Le retour de la France en Centrafrique peut-il être l’occasion d’un nouvel élan ou simplement un retour aux pratiques du passé ? La réponse dépendra des actions concrètes que la France choisira de poser sur le terrain.