
Dans un contexte où la décentralisation administrative demeure un défi majeur pour le développement de l’administration publique en République centrafricaine, le Ministre d’État chargé de la Justice, Garde des Sceaux, Arnaud Djoubaye Abazène, a reçu, vendredi 24 janvier, en son Cabinet, le Chef d’équipe de Civilpol, Pierre Laumay. Cette rencontre, placée sous le signe du partenariat et de la coopération, avait pour principal objectif d’évaluer l’impact du soutien technique de Civilpol au secteur judiciaire et de discuter des perspectives pour l’année 2024.
Depuis plusieurs années, l’enregistrement des actes de naissance et l’établissement des registres d’état civil constituent un véritable défi en République centrafricaine. Dans un pays où une grande partie de la population vit en zone rurale, l’accès aux services d’état civil reste limité en raison de l’absence d’infrastructures adaptées, du manque de personnel qualifié et des difficultés liées à la mobilité des citoyens.
C’est dans ce cadre que l’Union européenne finance, depuis quatre ans, un projet ambitieux visant à moderniser l’état civil du pays. Civilpol, organisme chargé de la mise en œuvre de ce projet, a déjà permis, au cours de l’année 2023, la production de 120 000 actes de naissance et 2 500 registres d’état civil.
« C’était l’occasion de présenter mes vœux à Monsieur le Ministre d’État, au nom de Civilpol, et en même temps de lui assurer la continuité du soutien de notre organisation à travers les actions déjà engagées. Grâce à ces actions, nous avons pu produire un nombre significatif d’actes de naissance et de registres d’état civil. Nous allons poursuivre ce travail cette année afin d’atteindre l’ensemble du territoire centrafricain », a déclaré Pierre Laumay à l’issue de l’entretien.
« Une administration centrale efficace, mais une mise en œuvre locale difficile »
Si le gouvernement centrafricain, sous la direction du Premier ministre Félix Moloua et du Président Faustin Archange Touadéra, soutient pleinement cette initiative, la mise en œuvre sur le terrain se heurte à de nombreuses difficultés liées à la décentralisation administrative.
En effet, la République centrafricaine souffre d’un grave problème d’inefficacité dans l’acheminement des services administratifs vers les zones rurales et enclavées. La plupart des centres d’état civil sont concentrés dans les grandes villes comme Bangui, Berbérati ou Bambari, tandis que les populations vivant dans les villages reculés ont un accès limité, voire inexistant, aux services publics.
Le manque de formation du personnel administratif, l’absence de ressources matérielles et financières, ainsi que l’insécurité dans certaines régions compliquent davantage la tâche des autorités locales. De nombreux citoyens se retrouvent ainsi sans actes d’état civil, ce qui pose un sérieux problème en matière d’identification et d’accès aux services sociaux de base tels que l’éducation et la santé.
Si le projet mené par Civilpol constitue une avancée significative, plusieurs défis restent à relever pour garantir son succès et son impact durable. Parmi eux, entre autre l’accès aux services administratifs en zone rurale ; le manque d’infrastructures et de moyens de transport rend difficile l’enregistrement des naissances et autres actes d’état civil.
La sensibilisation des populations don beaucoup de citoyens, notamment dans les zones reculées, ne comprennent pas l’importance de l’enregistrement des naissances, ce qui entraîne un grand nombre d’enfants non déclarés à l’état civil. Le renforcement des capacités locales à travers les formations du personnel administratif et la mise en place des outils modernes pour la gestion des registres d’état civil sont des priorités pour assurer la pérennité du projet.
La sécurisation des documents officiels, dans un pays où la corruption et la falsification des documents restent des problèmes majeurs, il est impératif de mettre en place un système fiable et sécurisé pour garantir l’authenticité des actes de naissance et autres registres.
« Un engagement fort du gouvernement »
Lors de cette rencontre, le Ministre d’État chargé de la Justice a réaffirmé l’engagement du gouvernement centrafricain à soutenir le projet de modernisation de l’état civil. Il a salué le travail accompli par Civilpol et exprimé la volonté de l’exécutif de renforcer la coopération avec ses partenaires techniques et financiers pour étendre les services d’état civil à l’ensemble du territoire.
Grâce à l’appui de l’Union européenne et à la mobilisation des autorités nationales, ce projet représente une opportunité unique pour améliorer l’enregistrement des citoyens et renforcer la gouvernance administrative du pays. Toutefois, la réussite de cette initiative dépendra largement de la capacité du gouvernement à surmonter les obstacles liés à la décentralisation et à garantir un accès équitable aux services administratifs pour tous les Centrafricains.
En attendant, les efforts se poursuivent pour que chaque citoyen, où qu’il se trouve, puisse bénéficier d’un état civil fiable et moderne, gage d’une administration plus efficace et inclusive.