
Le lundi 10 février 2025, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a annoncé le lancement du « mémé-coin » ($CAR), une crypto monnaie destinée à promouvoir les ressources minières du pays sur la scène internationale.
Présenté comme une avancée économique majeure par le gouvernement, ce projet suscite pourtant de vives interrogations, notamment parmi les économistes et les observateurs financiers, qui y voient un risque de détournement des fonds publics et un échec similaire au Sango Coin.
Lors de la conférence de presse hebdomadaire du lundi 17 février 2025, Maxime Balalou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a salué cette initiative comme : « une aubaine pour l’économie centrafricaine, permettant un accès direct aux marchés financiers internationaux ».
Selon lui, ce projet s’inscrit dans une vision plus large d’inclusion financière, offrant des alternatives aux populations non bancarisées. Il assure également que : « des stratégies adaptées seront mises en place pour garantir une gestion optimale des fonds générés par cette crypto monnaie. » Toutefois, aucun détail concret n’a été communiqué sur ces mécanismes de contrôle.
« Un projet controversé, entre ambitions et soupçons »
Le mémé-coin ne fait pas l’unanimité. De nombreux experts expriment des doutes quant à ses réelles motivations et son efficacité. L’économiste centrafricain Désiré Ngombet souligne : « Il y a un manque flagrant de transparence. On parle d’innovation financière, mais le risque est que ce soit surtout un instrument politique pour capter des fonds sans véritable garantie. »
Certains observateurs vont encore plus loin, estimant que cette crypto monnaie pourrait servir à des opérations de blanchiment d’argent et de spéculation incontrôlée. Un rapport d’un groupe d’experts financiers africains met en garde contre un potentiel détournement des fonds publics sous couvert de modernisation économique.
Sur le plan technique et financier, l’introduction du mémé-coin a été marquée par plusieurs revers. D’après une enquête du Financial Times, la valeur du $CAR a chuté de 95 % en quelques jours, tombant à environ 0,04 $ le mardi suivant son lancement. De plus, le compte officiel de la crypto monnaie sur la plateforme X (anciennement Twitter) a été suspendu, et certaines analyses ont relevé des anomalies dans la vidéo d’annonce du président Touadéra, renforçant les doutes sur la crédibilité du projet.
L’analyste financier Robert Mendy commente : « Le marché des cryptos est déjà très instable, et un projet aussi peu encadré dans un pays à la gouvernance économique fragile est extrêmement risqué. »
« Un pari risqué pour la Centrafrique »
Malgré ces critiques, le président Touadéra insiste sur le fait que le mémé-coin est un « succès retentissant » et affirme que des milliers d’investisseurs, aussi bien nationaux qu’internationaux, ont manifesté leur intérêt.
Le gouvernement met en avant le potentiel de cette crypto monnaie pour attirer des capitaux étrangers et diversifier une économie encore largement dépendante de l’exportation de matières premières. Pourtant, plusieurs questions essentielles demeurent :
Comment garantir la sécurité des transactions ? Quels mécanismes de contrôle seront mis en place pour éviter la fraude ? La Centrafrique dispose-t-elle des infrastructures nécessaires pour gérer un tel projet à grande échelle ?
L’essor des crypto monnaies en Afrique suscite à la fois enthousiasme et inquiétudes. Si le mémé-coin représente une tentative audacieuse de modernisation économique, son avenir dépendra de la transparence de sa gestion et de sa capacité à éviter les erreurs du passé, notamment celles du Sango Coin.
Sans régulation stricte ni garanties financières claires, cette initiative risque de se transformer en fiasco économique, au détriment de la population centrafricaine. Le mémé-coin est-il une innovation prometteuse ou une illusion spéculative ? Seul l’avenir le dira.