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Dans une interview exclusive réalisé par Centrafrique Axiome Media Alternative et relayer par Afrique en Plus (A+), Adrien Georges Poussou (AGP), ancien ministre de la communication et expert en géopolitique, dresse avec une critique sévère la dérive de la RCA vers l’autocratie sous le règne du Président Touadera.

A+ : quelle est votre évaluation de l’impact sur la démocratie et stabilité du pays de la volonté de Faustin Archange Touadera de briguer un troisième mandat ?

AGP : Pour dire les choses franchement, la déchéance morale chercha longtemps un visage jusqu’au jour où Faustin Archange Touadera lui a prêté le sien. Ce dernier et les siens ont rompu le pacte républicain qui les liait à la communauté nationale et se sont exclu de la République. Ce faisant, il a pris le risque de se couvrir d’opprobre. En démocratie, cela a un nom : le parjure.

Il faut donc constater pour le regretter que, notre pays vît en ce moment la crise politique, sociale, sociétale, économique la plus grave et la plus dangereuse de son histoire. Les germes de cette crise remontent au 28 mai 2022, date à laquelle Faustin Archange Touadera a dévoilé sa volonté d’imposer aux Centrafricains, par tous les moyens, un pouvoir personnel, clanique et aux antipodes des valeurs démocratiques.

Dès lors, il s’est employé, recourant parfois à des méthodes peu recommandables, telles que les menaces de mort et les intimidations, à dévoyer l’esprit et la lettre de la Constitution du 30 mars 2016. Il devra tirer toutes les conséquences de son attitude antidémocratique et antirépublicaine. Voilà pourquoi le 28 mai 2022 est une date à graver dans les annales de la République comme un jour de désastre national. Même si comparaison n’est pas raison, c’est une sorte de nakba, la catastrophe palestinienne, à l’envers.

A+ : Comment percevez-vous le rôle du BRDC et des organisations de la société civile dans la défense de la démocratie et la lutte contre la dictature ?

AGP : Les tenants de ce régime nous répètent à satiété que nous serions dans un État de droit. Or, dans un État basé sur le droit, personne, quelle que soit sa puissance ou son importance, ni aucun groupe, aussi surexcité et bruyant soit-il, n’est en droit de défier une décision de justice. On sait tous que dans sa décision du 23 septembre 2022, la Cour constitutionnelle avait considérés comme inconstitutionnelle toute tentative de procéder, en l’état des institutions et de l’application de la Constitution, à la révision de celle-ci, et même à l’organisation d’un référendum constitutionnel.

Cela revient à dire que si on laisse faire, si personne ne s’oppose à cette forfaiture, ce sera le retour de la dictature la plus vile. Touadera, on le sait, signe son mentor Vladimir Poutine. Après moult modifications constitutionnelles, le maître du Kremlin peut rester au pouvoir jusqu’en… 2036 et c’est ce que le président toxique qui est à la tête de notre pays veut imiter.

En s’opposant farouchement à cette tentation de dévolution monarchique du pouvoir, le BRDC rend un immense service à la démocratie centrafricaine, obtenue au prix du sang et de nombreux sacrifices. Cette coalition de l’opposition a besoin du soutien de tous les démocrates centrafricains. Comme la politique coûte cher, je profite de votre micro pour demander à tous ceux qui sont opposés au retour de la dictature dans notre pays d’apporter tout concours au BRDC afin de continuer le combat pour la démocratie et l’État de droit.

A+ : Pensez-vous que les marches pacifiques prévues à Bangui le 4 avril et à Paris le 5 auront un impact signification sur la mobilisation nationale et internationale en faveur des revendications démocratiques ?

AGP : Voyez-vous, j’ai espéré, secrètement, j’ai même prié (ce qui m’est rarement arrivé ces temps derniers) pour que Touadera et les siens soient touchés par le Saint-Esprit et qu’ils renoncent à cette folie, de telle sorte que nous ne soyons pas obligés de recourir à d’autres méthodes pour leur indiquer la porte. Ces gens doivent comprendre que Touadera ne fera pas une seconde de plus à la tête de notre pays à partir du 30 mars prochain.

D’abord parce que le peuple a compris enfin que Touadera est le problème, et que la solution c’est son départ du pouvoir. Le sujet n’est plus celui de la modification ou du remplacement de la Constitution, mais de son départ pur et simple. C’est tout l’intérêt de ces marches pacifiques : montrer à la face du monde que les Centrafricains sont farouchement opposés à toute tentation de présidence à vie. Tant pis si cela contrarie les plans des thuriféraires serviles et incompétents, dont la survie dépend exclusivement du maintien au pouvoir de Touadera.

Ensuite, les communiqués de presse c’est bien, les déclarations avec des circonvolutions dans la voix, c’est excellent, mais l’action concrète est la seule arme politique que je connaisse. Cela consiste à occuper la rue pour exprimer ses revendications. Ces marches restent donc les meilleures options. D’autant plus que personne ne pourra me convaincre que Touadera et ses Wagner font preuve de plus de brutalité que les Téméraire Sabanguele et les autres autres milices que nous avons connue dans ce pays. Ce qui n’empêchait nullement les Goumba, Malendoma, Ngoupande et autres Louis Pierre Gamga de tenir des réunions politiques à Bangui. Et ce, en dépit des menaces, intimidations et interdictions.

Enfin, ces marches doivent se répéter encore et encore afin de ne pas laisser Touadera faire ce qu’il veut à la tête de notre pays. Il y va de notre survie à tous.

A+ : Quels conseils donneriez-vous aux citoyens centrafricains de la diaspora pour renforcer leur engagement dans la lutte pour une gouvernance plus juste et équitable ?

AGP: Aucun. Parce que je ne suis ni un censeur, encore moins un directeur de conscience. Chacun de nous est responsable de ses choix. Seulement, mes parents ont toujours exigé de moi de placer notre pays juste après Dieu dans mon cœur. Autrement formulé, l’amour de la patrie n’est pas une option mais un impératif.

Quand on aime la terre de ses pères, on n’accepte pas qu’elle soit dirigée par des mains peu expertes. D’où nécessité de se battre ! Nous devons agir de façon à changer le cours de l’histoire. Et c’est cela la définition du pouvoir. En réalité, le pouvoir, c’est la capacité a influencé le comportement d’une personne ou le cours d’un événement.

A+ : un dernier mot…

AGP : Le courage, la détermination et le patriotisme n’ont pas sauté une génération ! La nôtre a les moyens d’assumer pleinement ses devoirs envers notre pays. Le 4 avril, je serai à Bangui, même en esprit pour soutenir les combattants de la justice sociale. À cette occasion, j’aurais une pensée émue pour tous nos compatriotes qui ont perdu la vie à cause de la mal gouvernance de Touadera. Et le lendemain 5 avril, je serai à la place de la République à Paris pour dire non, trois fois non à Touadera.

Merci.

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