
Afrique en Plus reçoit dans ce numéro, M. Bégong-Bodoli BETINA, Professeur émérite des universités, résident à Saint-Louis, Sénégal. Son entretien avec notre rédaction, porte sur son parcours professionnel ainsi que son regard sur l’actualité africaine en général et Centrafricaine en particulier.
Afrique en Plus : Pouvez-vous vous présenter brièvement et partager avec nous un aperçu de votre parcours académique et professionnel, en mettant particulièrement en lumière votre carrière d’enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ?
3B : Je m’appelle Bégong-Bodoli BETINA, Professeur émérite de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal. Je suis de Bodoli, dans la Commune rurale de Nana-Barya, Sous-Préfecture de Paoua et Préfecture de l’Ouham-Pendé. Après avoir fait l’école primaire dans ma région, je fus envoyé au séminaire Jacques Gribbles de Yaloké. Ensuite ce fut au Lycée Jean-Bédel Bokassa, où j’ai fait mes humanités. Après le Baccalauréat, j’ai continué mes études à l’Université de Dakar, avant de terminer à l’Université Paul Valéry–Montpellier 3 (France) où j’ai obtenu mon Doctorat.
Sur le plan professionnel, après mon Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA), j’ai signé un contrat d’enseignement au Niger. Je suis resté dans ce pays pendant dix ans. C’est suite à un appel à candidatures que je me suis retrouvé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis 1995 où j’ai enseigné pendant vingt-cinq ans avant de prendre ma retraite.
Afrique en Plus : Vous êtes l’auteur de plusieurs ouvrages. Quels ont été les principaux axes de vos recherches et publications tout au long de votre carrière universitaire ?
3B : En effet, j’ai publié plus d’une douzaine d’ouvrages. J’ai d’abord commencé par la poésie, ensuite la nouvelle et le roman. J’ai publié aussi plusieurs essais dont un est une critique littéraire qui porte sur le roman de Gabriel Danzi Un soleil au bout de nuit. Un dernier axe sur lequel je suis en ce moment est la théorie littéraire qui verra sa concrétisation cette année à travers un livre intitulé : La théorie du temps humain dans le roman. Une application à l’œuvre de Juan Rulfo. J’ai enfin un nombre considérable de publications à caractère politique qui abordent, pêle-mêle des questions tant centrafricaines qu’africaines.
Afrique en Plus : Après de nombreuses années d’enseignement à l’Université Gaston Berger, qu’est-ce qui vous a motivé à rester au Sénégal plutôt que de retourner en République Centrafricaine, votre pays d’origine ?
3B : En fait, j’ai juste un enfant dont la scolarité n’est pas terminée. Vu son âge, l’abandonner seul au Sénégal et rentrer serait le sacrifier. Dès qu’il obtiendra son Bac, cette question ne se posera plus.
Afrique en Plus : Bien que vous soyez à la retraite, avez-vous des projets ou des initiatives en cours ou à venir qui pourraient contribuer au développement de la République Centrafricaine, notamment dans les domaines de l’éducation, de la recherche ou d’autres secteurs ?
3B : En effet, j’ai plein de projets. Celui que j’ai le plus à cœur est mon souhait de créer une Ecole doctorale aux étudiants de la Faculté des Lettres de l’Université de Bangui, en général, particulièrement ceux d’espagnol, afin qu’ils puissent soutenir leurs Masters et leurs Doctorats surplace, sans besoin d’aller à l’extérieur. J’ai introduit une demande dans ce sens auprès des autorités universitaires dont j’attends toujours la réponse. En outre, je préside un parti politique dénommé Mouvement Patriotique Africain (MPA) qui a obtenu son agrément depuis 2016. C’est un parti panafricaniste qui, face à la polarisation des débats entre les partis d’opposition traditionnels et le pouvoir, se positionne comme la troisième voie.
Afrique en Plus : En tant qu’observateur de la scène politique africaine, quel regard portez-vous sur l’actualité du continent, en particulier sur la crise à Goma en République Démocratique du Congo et sur l’émergence de l’Alliance des États du Sahel (AES) ?
3B : En tant que patriote africain et panafricain, ce qui se passe à Goma est affligeant et anachronique. À l’heure où nous portons le panafricanisme comme il ne l’a jamais été par le passé, nous entredéchirer est lamentable voire abominable. S’agissant de l’émergence des pays de l’AES, c’est la meilleure chose qui puisse arriver à l’Afrique. Souvenez-vous, ce fut à cause de la vraie indépendance et de la souveraineté que Boganda, Lumumba, Sankara, etc., furent assassinés. Que cette lueur d’espoir se produise soixante-cinq ans plus tard, cela mérite d’être salué et servir d’exemple. On en a assez de voir nos présidents être des marionnettes entre les mains des colons et des impérialistes.
« Le climat politique que nous observons aujourd’hui est porteur de gros nuages, voire de bourrasques dévastatrices. Alors qu’on se souvient de la façon dont la nouvelle constitution a été mise en place »
Afrique en Plus : À quelques mois des prochaines élections en République Centrafricaine, quel est votre point de vue sur le climat politique actuel du pays ?
3B : Le climat politique que nous observons aujourd’hui est porteur de gros nuages, voire de bourrasques dévastatrices. Et cela n’est pas surprenant lorsqu’on se souvient de la façon dont la nouvelle constitution a été mise en place. Ailleurs, les élections législatives et présidentielles donnent lieu, en amont, à une révision de la liste électorale dans une commission paritaire pouvoir-opposition. Mieux, on y associe les presses écrites et audiovisuelles, publiques et privées qui, le jour des élections, donnent les résultats dès la fermeture des bureaux de votes, le soir même des élections. Chez nous, l’instinct de tricherie fait qu’on publie les résultats des semaines après, laissant ainsi le temps aux experts de bourrages des urnes de faire leur travail.