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Alors que la République centrafricaine s’efforce de sortir de plus d’une décennie de violences armées, une nouvelle étape a été franchie le 19 avril dernier avec la signature, à N’Djamena, d’accords de paix entre le gouvernement centrafricain et deux groupes armés majeurs : les 3R (Retour, Réclamation, Réhabilitation) et l’UPC (Unité pour la Paix en Centrafrique). Une avancée majeure grâce à l’appui de la fédération de Russie, nouveau partenaire de la RCA.

Ces accords, salués par la communauté internationale, ont fait l’objet d’une réunion de suivi ce 26 mai à Bangui, présidée par le Chef de l’État, le Professeur Faustin-Archange Touadéra, en présence notable de l’ambassadeur de Russie, S.E.M. Alexandre Bikantov et salué par le Ministre conseillé du Président Touadera en matière de la communication Albert Yaloke Mokpem.

Malgré des avancées diplomatiques, la situation sécuritaire en RCA demeure préoccupante. Des zones entières, notamment dans l’ouest (Ouham-Pendé) et dans le centre (Ouaka, Basse-Kotto), échappent encore partiellement au contrôle de l’État. Les groupes armés continuent d’y imposer leur loi, parfois même après avoir signé des accords de cessez-le-feu.

Le récent accord de N’Djamena vise à désarmer et réintégrer les combattants des 3R et de l’UPC dans la société civile ou les forces armées, une initiative complexe compte tenu de l’absence de moyens logistiques et du manque de confiance entre les parties.

La Russie : un partenaire devenu incontournable

Depuis 2018, la Russie est devenue l’un des principaux soutiens du gouvernement centrafricain, notamment sur le plan militaire. Ce partenariat s’est intensifié après la tentative de renversement du président Touadéra par la coalition rebelle CPC (Coalition des patriotes pour le changement) fin 2020. Grâce à l’appui d’instructeurs militaires russes et de contingents armés, les FACA ont pu reprendre le contrôle de plusieurs villes majeures.

En 2021, des dizaines de tonnes d’armements ont été livrés à Bangui avec l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU, à la demande de Moscou. Aujourd’hui, selon des sources militaires, plus de 1 000 conseillers russes seraient présents sur le sol centrafricain, accompagnés d’un dispositif logistique structuré.

« Sans l’intervention russe, le pays serait probablement tombé aux mains des groupes armés en 2021 », confie sous anonymat un haut responsable au ministère de la Défense.

Outre le soutien militaire, la Russie joue désormais un rôle politique actif dans le pays. Des conseillers russes sont présents dans plusieurs ministères, et Moscou appuie Bangui dans des forums diplomatiques internationaux, notamment face aux critiques occidentales liées à la présence de mercenaires.

Sur le plan économique, la Russie a investi dans le secteur minier, notamment à Ndassima (or) et Bria (diamants), et serait sur le point de finaliser un accord pour l’établissement d’une base militaire permanente à Bangui. Une première en Afrique subsaharienne pour Moscou, qui voit dans la RCA un pivot stratégique dans sa politique africaine post-soviétique.

Une paix sous influence ?

La montée en puissance russe suscite toutefois des controverses. Si le gouvernement vante un partenariat “gagnant-gagnant”, plusieurs ONG dénoncent des violations des droits humains commises par certains éléments paramilitaires russes, évoquant exécutions sommaires, disparitions forcées et intimidations de journalistes.

Des tensions existent également au sein de la population : si une partie voit en Moscou un protecteur fiable face à l’abandon perçu des anciennes puissances coloniales, d’autres redoutent une forme de tutelle informelle, fragilisant la souveraineté nationale.

La réunion du 26 mai, en présence de l’ambassadeur Bikantov, visait à mettre en place un mécanisme conjoint de suivi des accords de paix, avec l’appui des partenaires russes. Le Président Touadéra a réaffirmé son engagement envers un processus de paix inclusif, tout en saluant le soutien “constant et loyal” de la Fédération de Russie : « Notre objectif est clair : restaurer l’autorité de l’État sur tout le territoire, dans le respect des droits humains et de la dignité de notre peuple », a-t-il déclaré en conclusion de la séance.

La République centrafricaine amorce une phase importante de son histoire. Le chemin vers une paix durable reste semé d’embûches : désarmement effectif, réintégration des ex-combattants, reconstruction des institutions, justice transitionnelle… Dans cette dynamique, la Russie se positionne non seulement comme un partenaire de sécurité, mais aussi comme un acteur géopolitique majeur, redéfinissant les équilibres dans une région longtemps dominée par d’autres influences.

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