
Après des années de marginalisation diplomatique et de turbulence politique, la République centrafricaine s’impose aujourd’hui comme un point de convergence régionale. Le pays, autrefois considéré comme un terrain d’affrontements et d’instabilité chronique, retrouve peu à peu une stature politique et économique qui attire l’attention des instances continentales.
À Bangui, capitale politique mais aussi symbole d’une résilience nationale, les préparatifs vont bon train pour accueillir, le 9 août prochain, le Sommet des Chefs d’État de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Un événement qui cristallise une nouvelle ambition : celle de replacer la Centrafrique au cœur des dynamiques africaines.
Le retour progressif de la Centrafrique sur la scène internationale ne doit rien au hasard. Depuis quelques années, le gouvernement centrafricain a adopté une stratégie diplomatique offensive, élargissant ses alliances, diversifiant ses partenaires, et surtout, consolidant sa légitimité au sein des institutions régionales. L’organisation imminente du Sommet de la CEMAC à Bangui en est l’illustration la plus éclatante.
Ce sommet, le premier organisé en Centrafrique depuis plus d’une décennie, réunit les six États membres de la communauté (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et Centrafrique), autour des enjeux majeurs d’intégration économique, de sécurité transfrontalière et de relance post-Covid. Pour Bangui, il ne s’agit pas seulement d’un rendez-vous diplomatique, mais d’une démonstration de sa capacité à redevenir un acteur fiable, stable et pertinent dans la gouvernance régionale.
Le Caucus : plateforme d’idées et d’unité continentale
En marge de ce sommet, Bangui a également accueilli cette semaine le Caucus africain, une rencontre stratégique entre ministres des Finances, gouverneurs de banques centrales, économistes et décideurs africains. Ce forum, qui se veut une plateforme de concertation continentale sur les priorités économiques de l’Afrique, a permis à la Centrafrique de faire entendre sa voix sur les grandes orientations macroéconomiques du continent.
Les discussions, axées sur la réforme du système financier mondial, le rôle de la Banque africaine de développement (BAD) et la soutenabilité des dettes publiques africaines, ont montré que la Centrafrique ne veut plus être spectatrice des dynamiques africaines, mais actrice engagée dans la transformation de ses structures économiques.
L’organisation de tels événements n’est possible qu’en raison d’un relatif retour à la stabilité. Sur le plan sécuritaire, les efforts du gouvernement centrafricain, appuyés par des partenaires bilatéraux comme la Russie et le Rwanda, ont permis de contenir une bonne partie des menaces armées qui fragilisaient l’État. Cette pacification progressive du territoire national, bien qu’incomplète, a ouvert la voie à une reprise économique prudente mais réelle.
L’État a relancé plusieurs chantiers structurants dans les domaines de l’énergie, des infrastructures routières, et de l’exploitation minière. Bangui, autrefois ville fantôme après les heures sombres de la guerre civile, connaît aujourd’hui une effervescence nouvelle. Les marchés reprennent vie, les hôtels se remplissent, et les investisseurs africains pour la plupart y refont timidement leur apparition.
Une ambition régionale qui s’affirme
La Centrafrique joue aujourd’hui la carte de l’intégration régionale. En accueillant les dirigeants de la CEMAC, le pays espère accélérer les projets communs : la libre circulation des biens et des personnes, la mise en œuvre de politiques monétaires plus coordonnées, et la relance des corridors commerciaux régionaux. Ces ambitions sont partagées mais inégalement portées. Bangui entend bien y jouer un rôle moteur, ou du moins, ne plus être reléguée au rang de figurant institutionnel.
Le président Faustin-Archange Touadéra, très actif ces derniers mois sur la scène africaine, mise sur ces rencontres pour repositionner la Centrafrique comme un pont stratégique entre l’Afrique centrale et les grands projets panafricains, notamment ceux de l’Union africaine.
Mais si la Centrafrique s’élève progressivement dans le concert des Nations, le défi reste immense : maintenir cette dynamique dans le temps. La stabilité reste fragile, l’économie vulnérable, les tensions communautaires toujours présentes. La reconstruction du tissu étatique exige plus que des sommets et des déclarations : elle nécessite des réformes profondes, une gouvernance inclusive et une vision de long terme.
L’organisation réussie du sommet de la CEMAC pourrait néanmoins être un signal fort : celui d’un pays qui tourne une page, qui regarde vers l’avenir, et qui aspire à retrouver non seulement sa dignité nationale, mais aussi sa pleine place dans le destin africain.
Dans le tumulte d’un monde multipolaire et d’un continent en pleine mutation, la Centrafrique veut croire en sa renaissance. Le moment est historique. À Bangui, l’Afrique centrale s’apprête à se rassembler, et avec elle, l’espoir d’une Centrafrique debout, audible et résolument tournée vers l’avenir.