
Le Gabon et l’Angola écrivent une nouvelle page de leur histoire diplomatique. Ce 12 mai 2025, le président angolais Joao Gonçalves Lourenço a effectué une visite officielle à Libreville, devenant ainsi le premier chef d’État étranger à se rendre au Gabon depuis la fin de la transition militaire enclenchée par le coup d’État du 30 août 2023. Cette visite marque non seulement une réconciliation entre deux capitales longtemps opposées, mais aussi un signal fort de réintégration du Gabon sur la scène africaine et internationale.
À son arrivée à l’aéroport international Léon Mba, Joao Lourenço a été accueilli avec les honneurs par son homologue gabonais, le président Brice Clotaire Oligui Nguema. La présence de ce dernier à l’aéroport, un geste diplomatique rarement accordé, témoigne de l’importance accordée à cette visite.
Les deux dirigeants, affichant une complicité manifeste, ont ensuite pris la direction du palais présidentiel où ils ont eu un entretien privé d’environ deux heures, suivi d’une conférence de presse conjointe. L’entretien a porté sur la normalisation des relations bilatérales, les défis sécuritaires en Afrique centrale, ainsi que les opportunités de coopération économique, notamment dans les secteurs du pétrole, des infrastructures et de la sécurité.
De la rupture à la réconciliation : 20 mois de tensions
La visite de Joao Lourenço à Libreville est d’autant plus significative qu’elle intervient après une période de tensions profondes entre les deux pays. En août 2023, l’armée gabonaise, dirigée par le général Oligui Nguema, renversait le président Ali Bongo Ondimba, mettant fin à plus de 55 ans de pouvoir dynastique. Si cette prise de pouvoir avait été saluée par une partie de la population gabonaise, elle avait été fermement condamnée par l’Union africaine, dont l’Angola est un membre influent.
Joao Lourenço, en tant que président angolais et défenseur du respect de l’ordre constitutionnel, avait alors refusé de rencontrer le nouvel homme fort de Libreville, marquant ainsi un refus net de cautionner un coup d’État militaire. Les relations diplomatiques entre Libreville et Luanda avaient atteint leur point le plus bas, avec des risques de suspension des coopérations bilatérales, notamment dans le domaine militaire et énergétique.
Tout change en avril 2025, lorsque le Gabon organise des élections présidentielles considérées comme libres et transparentes par plusieurs observateurs africains. Brice Oligui Nguema, élu avec une large majorité, devient président légitime. Cette élection ouvre la voie à la normalisation diplomatique.
Le 30 avril 2025, l’Union africaine, présidée cette année par Joao Lourenço, annonce la levée de toutes les sanctions prises contre le Gabon depuis le coup d’État de 2023. Ce geste marque un tournant et prépare le terrain à la visite officielle du chef de l’État angolais à Libreville.
Une relance des relations bilatérales en perspective
Lors de la conférence de presse, Joao Lourenço a salué « le retour du Gabon dans le giron de la légalité constitutionnelle » et a félicité son homologue pour « l’excellent déroulement du processus électoral, un exemple pour la région ». Le président angolais a également annoncé que les deux pays allaient relancer les travaux de la commission mixte Angola-Gabon, gelée depuis 2023.
De son côté, Brice Oligui Nguema a souligné la volonté du Gabon de renforcer sa coopération avec ses voisins, tout en rappelant l’importance d’un partenariat stratégique avec l’Angola, notamment sur les questions de sécurité maritime dans le golfe de Guinée et de coopération énergétique.
Joao Lourenço a enfin invité officiellement le président gabonais à se rendre à Luanda, une visite qui pourrait se concrétiser avant la fin de l’année.
Une visite au goût de rédemption
Cette visite n’est pas seulement diplomatique : elle est hautement politique et symbolique. Elle marque la fin de l’isolement du Gabon sur la scène africaine, la reconnaissance du leadership d’Oligui Nguema par un ancien opposant de poids, et surtout le retour du dialogue entre deux puissances régionales dont la stabilité est cruciale pour l’Afrique centrale.
Le Gabon, riche en ressources mais fragilisé par des décennies d’instabilité institutionnelle, espère désormais ouvrir une nouvelle ère fondée sur la stabilité politique et la diplomatie régionale active.