
« Le réseau routier, avec seulement 650 km de routes bitumées sur 5 376 km, entrave les échanges internes et régionaux. Malgré les efforts entrepris, un investissement stratégique et une gestion efficace sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et stimuler un développement durable. »
LAOUBAI YAMBERE Antoine Boris, ingénieur et directeur d’exploitation des travaux publics, résidant en Côte d’Ivoire, nous parle de son parcours académique et professionnel et partage son avis sur l’état des infrastructures de son pays natal, la République centrafricaine.
Af+ : Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter la République Centrafricaine pour exercer votre métier à l’étranger ?
LB : Je sortais du pays en 2003 Bangui pour des études à l’étranger en Génie Civile, Option Ponts et chaussée, après l’obtention de mon DUES 2 en chimie-biologie-géologie à la faculté des sciences de l’Université de Bangui. Diplôme d’ingénieur en poche en 2008, j’ai intégré le marché d’emploi étranger précisément au Togo et au Benin ou j’ai exercé 9 ans avant de me rendre au Cameroun pour 1 an de travail, puis 5 ans en Côte d’Ivoire depuis novembre 2019.
Af+ : Après plus de 15 ans d’expérience dans les Travaux Publics à l’étranger, pouvez-vous nous parler des projets majeurs sur lesquels vous avez travaillé ?
LB : J’ai eu l’honneur mérité par le travail, d’exercer dans plusieurs entreprises de renommée internationale aux grades de Conducteur des Travaux, Directeur des Travaux, Directeur des Projets et Directeur d’Exploitation sur des projets d’infrastructures routières, des ouvrages d’art, ou encore des projets liés aux énergies et aux transports au Benin, au Togo, au Cameroun et présentement en Côte d’Ivoire.
Af+ : En observant la situation en République Centrafricaine, notamment en matière de constructions d’infrastructures, quel est votre diagnostic ?
LB : La République centrafricaine (RCA) fait face à de sérieux défis d’infrastructures freinant son développement. L’enclavement et la faible densité de population compliquent les échanges et l’accès aux services de base. Le réseau routier, avec seulement 650 km de routes bitumées sur 5 376 km, entrave les échanges internes et régionaux.
En matière d’énergie, la capacité de production électrique, limitée à quelques centrales hydroélectriques et une centrale diesel, ne couvre pas les besoins de la population. Malgré les efforts entrepris, un investissement stratégique et une gestion efficace sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et stimuler un développement durable.
Af+ : Quelles collaborations envisagez-vous avec les autorités centrafricaines ou d’autres ingénieurs de la diaspora pour renforcer les capacités du secteur des travaux publics en RCA ?
LB : En tant que professionnel des Travaux Publics, plusieurs pistes peuvent être explorées pour renforcer le secteur en RCA. Il est essentiel de favoriser des partenariats avec les autorités locales pour le transfert de compétences techniques et la mise en place de projets de reconstruction, notamment via des initiatives publiques-privées.
La création d’un réseau d’ingénieurs de la diaspora pourrait également jouer un rôle clé, en organisant des formations et des échanges pour partager des bonnes pratiques. Enfin, investir dans des projets locaux, soutenir les entreprises de BTP et introduire des technologies modernes, telles que le béton préfabriqué et les matériaux écologiques, permettrait de favoriser le développement d’infrastructures durables et innovantes.
Af+ : Quels projets ou initiatives vous tiennent particulièrement à cœur dans le domaine des infrastructures en Afrique, et notamment en RCA et quels projets vous motivent particulièrement ?
LB : Plusieurs secteurs nécessitent une attention particulière pour le développement de la RCA. La réhabilitation du réseau routier, notamment les corridors internationaux, faciliterait le commerce. L’électrification et les énergies renouvelables, avec des projets hydroélectriques et solaires, sont essentielles pour améliorer l’accès à l’électricité.
Le développement des infrastructures urbaines et du logement, avec la construction de logements sociaux et d’équipements publics, est également crucial. Enfin, la reconstruction des zones affectées par les conflits, à travers des projets à impact rapide, aiderait à stabiliser les communautés et favoriser le retour des déplacés. Les partenariats public-privés seraient des leviers pour financer ces initiatives.
Af+ : Quel regard portez-vous sur l’actualité centrafricaine, en cette année électorale, où vos compatriotes sont attendus aux urnes pour les élections législatives et présidentielles ?
LB : En cette année électorale cruciale pour la République centrafricaine, plusieurs enjeux majeurs se dessinent. D’abord, les élections locales, reportées à plusieurs reprises pour des raisons financières et logistiques, suscitent des doutes sur la capacité des autorités à organiser des scrutins transparents.
Ensuite, le référendum constitutionnel de 2023, qui a supprimé la limitation des mandats présidentiels, a renforcé le contrôle du président sur les institutions, alimentant des critiques sur une dérive autoritaire. Face à ces évolutions, l’opposition appelle au dialogue et dénonce un processus électoral biaisé menaçant de boycotter les élections. Il est essentiel que toutes les parties s’engagent pour un processus électoral inclusif et transparent afin de garantir la stabilité et la démocratie du pays.