
Ce mardi 17 juin 2025, un nouveau cri d’alarme a été lancé depuis Bangui. Cette fois, il émane de la voix lucide et inquiétante du Dr Paul Crescent Beninga, Coordonnateur du Groupe de Travail de la Société Civile. Son message, sobrement intitulé « Cri du cœur pour sauver le Haut Mbomou et ses habitants survivants », résonne comme une supplique désespérée à la nation et à la communauté internationale. Et il était temps.
Le Haut Mbomou, territoire oublié à l’extrême Est de la Centrafrique, s’enfonce dans l’indicible. Depuis plusieurs mois, ses habitants subissent un chaos sans nom, pris dans l’étau de violences croisées entre le groupe d’autodéfense Azandé Ani Kpi Gbe, désormais en rupture avec le groupe russe Wagner, et d’autres milices armées. Pillages, incendies criminels, exécutions sommaires, déplacement de milliers de personnes vers la brousse et la République Démocratique du Congo… L’horreur est quotidienne, la peur est devenue une norme.
L’assassinat récent du Sous-préfet de Djéma (nuit du 13 au 14 mai), le meurtre barbare du jeune Peniel Gamatho, égorgé alors qu’il rentrait des champs, et le massacre d’une famille entière près de Zémio : ces crimes ponctuent un tableau d’une noirceur inacceptable. Les villages de Mboki, Zémio, Koumboli et bien d’autres ne sont plus que des cendres fumantes, des villes fantômes où résonnent encore les cris des survivants.
Mais face à cette tragédie, que voit-on à Bangui ? Trop peu. Trop de silence. Trop de calculs. Trop de tergiversations politiques. Le constat de Paul Crescent Beninga est cinglant : « Le Haut Mbomou meurt à petit feu, et ce, dans l’indifférence générale ! ». En répétant cette phrase comme un refrain douloureux, il dénonce non seulement la violence des armes, mais aussi la violence du silence, celle des élites restées sourdes aux supplications d’une population martyre.
Le ton de l’éditorialiste ne saurait être moins sévère : où sont nos leaders d’opinion, nos chefs religieux, nos députés censés représenter ces citoyens abandonnés ? Où sont les appels unis de la société civile, les médiations courageuses, les solidarités actives ? Certes, une lettre des Évêques de Bangassou est parue début juin, mais elle reste insuffisante, car elle évite le cœur du problème : l’action concrète, rapide, coordonnée.
Le temps des demi-mesures est révolu. Le Haut Mbomou n’a pas besoin de compassion passive, mais de décisions fortes et courageuses. Paul Crescent Beninga appelle à « déwagnériser » la gestion sécuritaire de la région, dénonçant clairement la rupture de confiance entre les populations locales et les mercenaires russes. Il exige aussi la démobilisation des éléments armés non engagés dans un processus de paix clair. Quant aux leaders religieux et de la société civile, il leur intime de se rendre sur le terrain, d’écouter les déplacés, de reconstruire des ponts là où les armes ont dressé des murs de haine.
Cet appel du 17 juin 2025 est bien plus qu’une déclaration : c’est une interpellation à la conscience nationale et à la communauté internationale. Car ce qui se joue à Djéma, Zémio ou Mboki, c’est aussi le miroir brisé d’un État qui vacille dans sa capacité à protéger ses propres enfants.
Le Haut Mbomou n’est pas un lointain théâtre secondaire. Il est, au contraire, le symbole criant de ces crises périphériques qui, faute d’être traitées avec urgence et lucidité, deviennent des abcès menaçant toute la stabilité nationale.
Il est encore temps d’agir. Mais demain, il pourrait être trop tard.