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Le Gabon se trouve à un moment important de son histoire politique. Après le coup d’État de 2023 qui a mis fin au règne d’Ali Bongo, ce scrutin présidentiel s’annonce comme un test décisif pour l’avenir démocratique du pays. Mais la question qui taraude les esprits reste la suivante : s’agit-il d’un tournant vers un véritable renouveau démocratique ou d’une simple permutation des élites au pouvoir ?

Les Gabonais, fatigués par des décennies de gouvernance opaque et autoritaire, ont soif de changement. Mais ce changement sera-t-il réel, ou ne s’agit-il que d’une illusion, soigneusement entretenue par les nouveaux acteurs politiques ? En l’absence d’une véritable rupture avec le passé, cette élection pourrait non seulement maintenir l’instabilité, mais aussi accroître la méfiance envers les institutions, déjà fragilisées par des années de pratiques douteuses.

Le face-à-face entre Alain-Claude Bilie-By-Nzé, ancien Premier ministre d’Ali Bongo, et le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la transition, cristallise toutes les interrogations. D’un côté, Bilie-By-Nzé, héritier du système Bongo, prône un changement de cap radical. Mais comment croire qu’il puisse incarner ce renouveau, lui qui a été un des acteurs clés du régime précédent ? Si le discours semble prometteur, il est difficile d’ignorer le poids du passé et la suspicion qu’il suscite parmi une grande partie de la population.

Face à lui, Oligui Nguema, l’homme qui a renversé Ali Bongo, joue un rôle ambigu. Chef de la transition, il se pose en garant de la stabilité du pays, mais à quel prix ? Les conditions dans lesquelles il a pris le pouvoir et sa position actuelle suscitent de vives interrogations.

Peut-il organiser un scrutin impartial alors qu’il détient les clés de l’État ? La question est légitime. En contrôlant les forces armées, la police, ainsi qu’une grande partie des ressources de l’État, Oligui Nguema a déjà un pouvoir considérable. L’opposition, quant à elle, estime que ces conditions préalables rendent l’élection inégale et contestable.

Au-delà de la confrontation entre ces deux figures, l’enjeu principal reste l’intégrité du processus électoral. Le doute persiste sur la neutralité de la Commission électorale, sur la liberté des médias et sur la possibilité pour les Gabonais de voter en toute sécurité.

Les accusations de fraude électorale ne sont pas nouvelles dans le pays, et la crainte que l’élection ne soit qu’un simulacre de démocratie est bien présent. Si les conditions d’une élection transparente et équitable ne sont pas réunies, la communauté internationale, qui suit de près cette élection, pourrait bien rejeter les résultats.

L’opposition, conduite par Albert Ondo Ossa, a d’ailleurs exprimé de vives préoccupations sur la légitimité de ce scrutin. Il a appelé à empêcher la tenue de l’élection, arguant que le contexte institutionnel ne permet pas une compétition véritablement équitable.

Bien que ses appels à boycotter l’élection risquent d’aggraver les tensions, ils soulignent la profonde fracture entre une majorité des citoyens et ceux qui contrôlent le pouvoir. Le climat est donc tendu, et l’élection pourrait bien dégénérer en crise post-électorale si la contestation prend de l’ampleur.

Le Gabon se trouve à un carrefour. La crainte d’une élection biaisée et d’une reconduction des mêmes pratiques autoritaires plane sur cette élection. Mais l’espoir d’une transition vers un système démocratique stable et transparent subsiste. Les Gabonais aspirent à un changement réel, mais sont-ils prêts à faire face aux réalités de cette élection complexe ? Au-delà des querelles de personnes et des batailles de pouvoir, ce scrutin sera surtout une épreuve de la capacité du pays à adopter les principes démocratiques fondamentaux.

La journée du 12 avril ne sera pas seulement marquée par l’élection d’un nouveau président. Elle pourrait bien décider de l’avenir politique du pays tout entier. Si les institutions électorales, les médias et la société civile arrivent à préserver un minimum d’indépendance, alors ce moment pourrait être celui du début d’une nouvelle ère pour le Gabon. Sinon, l’histoire se souviendra de ce scrutin comme celui d’un rendez-vous manqué avec l’avenir.

En fin de compte, cette élection ne concerne pas seulement les candidats, mais le peuple gabonais dans son ensemble. Si cette élection échoue, le pays pourrait s’enfoncer encore un peu plus dans une crise de légitimité. Le monde entier suivra attentivement ce qui se passera le 12 avril. Ce jour-là, il ne s’agira pas simplement de choisir un président, mais de choisir le chemin de la démocratie et de la stabilité pour le Gabon.

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