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Le suspense était mince, la confirmation est tombée : le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a été investi, les 25 et 26 juillet 2025, candidat à l’élection présidentielle de décembre prochain par son parti, le Mouvement Cœurs Unis (MCU), lors de son congrès organisé à Bangui. Grâce à la nouvelle Constitution adoptée en août 2023, l’actuel chef de l’État peut briguer un troisième mandat de sept ans. Une perspective qui soulève des inquiétudes tant sur le plan national qu’international.

Faustin-Archange Touadéra, au pouvoir depuis 2016, a consolidé progressivement son emprise sur l’appareil d’État. La révision constitutionnelle d’août 2023, validée par référendum controversé, a levé la limitation du nombre de mandats présidentiels et prolongé leur durée de cinq à sept ans. Cette réforme ouvre la voie à une gouvernance potentielle ment illimitée, perçue par beaucoup comme une dérive autocratique.

Pour ses partisans, Touadéra incarne la stabilité dans un pays longtemps ravagé par les conflits armés, les coups d’État et l’instabilité politique. Le MCU argue que cette continuité est nécessaire pour parachever les ré formes économiques et sécuritaires entamées au cours des deux précédents mandats. Mais pour l’opposition, notamment le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), cette manœuvre représente « une stratégie de confiscation du pouvoir ».

Le BRDC accuse le régime d’instrumentaliser les institutions et d’étouffer les voix dissidentes dans un climat de plus en plus fermé à la pluralité politique. La perspective d’un troisième mandat intervient dans un contexte de grande fragilité sociale. La République centrafricaine (RCA) demeure l’un des pays les plus pauvres du monde. Malgré des ressources naturelles abondantes, notamment en or et en diamants, l’économie peine à décoller. La majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, et l’accès aux services publics reste très limité. Les tensions politiques viennent ag graver ce malaise social. L’espace civique se rétrécit, les manifestations sont souvent interdites, et les opposants politiques font face à des intimidations régulières.

Plusieurs organisations de la société civile dénoncent une restriction des libertés fondamentales, une justice instrumentalisée et une presse fragilisée. Dans ce climat délétère, le processus électoral de 2025 s’annonce sous haute tension. L’absence de garanties d’un scrutin libre, équitable et transparent pourrait provoquer des mobilisations populaires et raviver les fractures intercommunautaires, dans un pays encore marqué par des décennies de violences politico-militaires. Une opposition affaiblie mais mobilisée Face au rouleau compresseur du pouvoir, l’opposition tente de s’organiser. Le BRDC affirme vouloir « tout mettre en œuvre pour que ce troisième mandat n’ait pas lieu », sans encore dévoiler de stratégie concrète. Affaiblie par des divisions internes et un rapport de force inégal, l’opposition peine toutefois à proposer une alternative politique crédible.

Certaines voix au sein de la société civile, des confessions religieuses et de la diaspora appellent à la création d’un front commun pour défendre les acquis démocratiques. Mais dans un contexte où les libertés sont bridées et les institutions largement contrôlées par l’exécutif, l’efficacité de cette mobilisation reste incertaine.

Sur le plan international, la candidature de Touadéra à un troisième mandat est suivie de près, notamment par les partenaires traditionnels de la RCA tels que la France, l’Union européenne et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

Toutefois, ces réactions restent pour l’instant mesurées. L’influence croissante de la Russie, principal allié militaire et politique du régime de Bangui, contribue à redéfinir les équilibres géopolitiques. Par l’intermédiaire de la société Wagner, Moscou a renforcé sa présence sécuritaire et sa proximité avec le pouvoir centrafricain. Cette alliance stratégique, perçue comme une réponse au désengagement occidental, pourrait limiter l’impact de toute pression diplomatique classique.

Les partenaires occidentaux se retrouvent ainsi face à un dilemme : condamner ouvertement un processus jugé antidémocratique, au risque d’être écartés, ou maintenir un dialogue minimal pour préserver une certaine influence. Ce flou diplomatique profite au président Touadéra, qui peut avancer son agenda sans véritable contrepoids externe.

Une présidentielle décisive pour l’avenir du pays

L’élection présidentielle de décembre 2025 s’annonce comme un tournant majeur pour la République centrafricaine. Elle posera la question fondamentale de l’avenir démocratique du pays : vers une consolidation autoritaire du pouvoir ou un sursaut républicain ?

L’issue du scrutin dépendra autant de la capacité de l’opposition à s’unir que de la mobilisation citoyenne. Dans un pays où les institutions sont fragiles, la construction d’un État de droit reste un défi de taille. La communauté internationale, quant à elle, devra clarifier sa position face à un régime de plus en plus assumé dans ses velléités de longévité au pouvoir.

Quoi qu’il en soit, la candidature de Faustin-Archange Touadéra à un troisième mandat est loin d’être une formalité. Elle ouvre une nouvelle séquence politique aux conséquences profondes pour l’avenir de la Centrafrique.

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