
Le régime Touadéra vient une nouvelle fois de démontrer que l’art de la contradiction est devenu sa ligne diplomatique. En rejetant catégoriquement l’idée d’un médiateur international dans le cadre du dialogue politique avec l’opposition démocratique (BRDC), tout en signant un accord de paix avec les groupes armés criminels UPC et 3R sous l’égide du Tchad, le gouvernement a illustré ce que l’on pourrait appeler la diplomatie du cynisme.
Il y a quelques jours à peine, le ministre Maxime Balalou affirmait sur Radio Ndeke Luka que « le dialogue doit être sincère et se dérouler dans le cadre constitutionnel, sans ingérence extérieure ». Pourtant, les signatures d’accords avec des seigneurs de guerre se font à N’Djamena, à Luanda, ou à Khartoum, toujours avec la bénédiction de chefs d’État étrangers. Cherchez l’erreur.
Pourquoi refuse-t-on à l’opposition démocratique ce que l’on accorde aux groupes qui ont mis le pays à feu et à sang ? Pourquoi un criminel comme Ali Darassa peut-il négocier une place dans l’avenir du pays, tandis que Martin Ziguélé est suspecté de « provocation politique » pour avoir proposé un médiateur africain ? Parce que la violence paie, et la démocratie gêne.
Ce que cet accord du 18 avril avec l’UPC enterre, c’est la mémoire. Celle des 1 200 morts documentés entre 2016 et 2019, celle des prêtres assassinés à Alindao, des civils brûlés à Bakala, des déplacés massacrés à Gambo ou Zangba. Ce sont ces crimes que le régime prétend oublier, au nom d’une paix qui n’est qu’un cessez-le-feu conditionné.
Ali Darassa n’a jamais été inquiété par la justice. Aujourd’hui, il est un interlocuteur officiel. Pendant ce temps, les leaders civils doivent supplier pour qu’un chef d’État africain vienne garantir un cadre neutre de dialogue.
Le faux dialogue comme stratégie
Le pouvoir n’a jamais voulu d’un dialogue réel. Il veut une mise en scène, un simulacre sous contrôle. En imposant ses règles, en refusant toute médiation extérieure, en étouffant l’indépendance du processus, le gouvernement veut transformer la démocratie en théâtre d’ombres, où l’opposition serait réduite à un rôle d’alibi. Le dialogue est devenu une arme de pouvoir, non un outil de paix.
Et pourtant, la contradiction est évidente : le régime qui prétend protéger la souveraineté nationale invite Wagner à Bangui, signe des accords à l’étranger avec des criminels de guerre, et reçoit des chefs d’États en campagne de paix. Mais il refuse un médiateur africain pour encadrer un dialogue politique interne. Hypocrisie, quand tu nous tiens.
La RCA n’a pas besoin d’un accord de paix avec des milices. Elle a besoin d’un pacte de justice avec son peuple.