0 5 minutes 3 mois

Ce mercredi 18 juin 2025, lors d’une conférence de presse tenue au Centre Jean 23 a Bangui, le Coordonnateur de l’Observatoire pour la Gouvernance Démocratique en Centrafrique (OGDC), Elysée Nguimale, a dévoilé les résultats d’une enquête indépendante menée depuis mai 2025 sur le conflit foncier opposant l’ASECNA à plusieurs citoyens centrafricains acquéreurs de terrains situés sur l’avenue de l’indépendance à Bangui.

« Nous avons assisté à une véritable dépravation de notre système judiciaire et à la mise en danger des droits acquis de nos compatriotes », a déclaré d’emblée M. Nguimale.

Une affaire aux multiples rebondissements judiciaires

Le terrain objet du conflit, le Titre Foncier n°557, qui remonte à 1948, initialement immatriculé au nom de l’État français avant de passer, en 1974, dans le domaine privé immobilier de la République centrafricaine. Affecté à l’ASECNA pour ses besoins de service, le terrain n’a jamais été cédé à l’organisation internationale : « Depuis plus de 40 ans, l’ASECNA ne s’est plus servie de ce terrain, ce qui démontre son absence de nécessité fonctionnelle. L’Etat centrafricain a, en toute souveraineté, procédé à la vente de ces parcelles à ses citoyens », a expliqué le Coordonnateur.

Toutefois, en pleine crise militaire en 2013, des annulations de ces ventes ont été prononcées par le Directeur de conservation domaniale, sur la base d’une décision ministérielle controversée. Saisi, le Tribunal Administratif (TA) a, en mai 2023, annulé ces décisions et reconnu les droits acquis des acheteurs. En septembre 2024, le TA a rejeté une tierce opposition déposée par l’ASECNA : « Lorsque le juge administratif a tranché en faveur de nos compatriotes, on aurait pu penser que justice avait été rendue. Malheureusement, il n’en fut rien », a déploré M. Nguimale.

L’immixtion du Tribunal de Grande Instance de Bangui

Malgré ces jugements administratifs favorables aux acquéreurs, le ministre des transports et de l’aviation civile a saisi le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bangui qui, en mai 2025, a rendu un jugement controversé (n°1270) annulant l’ensemble des morcellements et ventes, ordonnant l’expulsion des propriétaires.

« Le TGI n’a aucune compétence pour annuler des actes administratifs. C’est une violation flagrante de la loi centrafricaine sur la compétence des juridictions en citant l’article 5 de la loi N°96.006 du 13 janvier 1996 », a martelé Elysée Nguimale.

Cette situation a même conduit à l’incarcération, qualifiée d’arbitraire, de l’une des acquéreuses, Marie Solange PAGONENDJI NDAKALA, depuis le 14 juin 2025.

Le Coordonnateur de l’OGDC a aussi pointé du doigt la responsabilité de l’ASECNA : « L’ASECNA ne peut revendiquer la propriété de terrains qui ne lui ont jamais été cédés. Ses statuts sont clairs : les biens lui sont affectés pour ses missions, mais demeurent la propriété des Etats membres », a-t-il rappelé, en se référant à l’article 4 des statuts de l’organisation.

Au-delà de ce litige foncier, Elysée Nguimale a dressé un tableau sombre de la situation politique et judiciaire du pays : « Aujourd’hui, nous vivons sous un régime voyou où les décisions judiciaires ne sont plus respectées, où des journalistes et des députés sont emprisonnés au mépris de la loi ».

Il a accusé le président Faustin Archange TOUADERA de fermer les yeux sur ces violations graves, rappelant ses engagements constitutionnels à ne pas intégrer des anciens chefs rebelles au sein du gouvernement : « Il est temps de briser le lien de la peur et de rétablir la dignité de notre peuple. L’Etat de droit ne doit pas rester un simple slogan mais devenir une réalité tangible pour chaque citoyen centrafricain. »

L’affaire du TF n°557 illustre aujourd’hui les dérives graves de l’Etat de droit en République centrafricaine et suscite une mobilisation croissante des organisations de la société civile.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *