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Le 30 octobre 2025, Paris a accueilli une conférence internationale visant à apporter une réponse à la crise qui secoue la région des Grands Lacs, l’une des plus graves crises humanitaires au monde. Voici un résumé des annonces et des réactions qu’elles ont suscitées.

Le chiffre de 1,5 milliard d’euros annoncé par le président Emmanuel Macron a été largement médiatisé comme le succès de la conférence. Cet engagement collectif était présenté comme une réponse aux besoins immenses de la région, alors que le plan de réponse humanitaire de l’ONU, évalué à 2,5 milliards de dollars, n’était financé qu’à hauteur de 16% avant la tenue de la conférence.

Cependant, une analyse plus approfondie révèle que ce montant doit être fortement nuancé. Les investigations montrent que sur cette somme, environ 500 millions d’euros correspondaient à des engagements déjà pris cette année ou à d’anciennes promesses réaffirmées pour l’occasion. De plus, l’échéancier de déblocage de ces fonds reste flou, créant une incertitude sur leur disponibilité réelle et immédiate. Kevin Goldberg, directeur général de Solidarités International, s’interroge : « Parle-t-on d’engagements pluriannuels ou uniquement de 2025 comme c’était censé être le cas ? ». Cette opacité laisse planer un doute sur la part réellement nouvelle de cette aide.

Une urgence humanitaire sans précédent

La conférence se tenait dans un contexte de détérioration dramatique, décrit par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, comme « la deuxième crise humanitaire la plus grave du monde ». Pour alerter les participants, Emmanuel Macron a cité des chiffres glaçants : « une femme est violée toutes les 4 minutes et un enfant toutes les 30 minutes » dans la région. Le tableau dressé par les différentes sources est accablant :

· Plus de 27 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë.

· Près de 6 millions de déplacés internes en RDC.

· Plus de 2 millions de nouveaux déplacés depuis janvier 2025.

· Un système de santé à l’agonie, avec une recrudescence d’épidémies comme le choléra.

La réouverture de l’aéroport de Goma, un symbole qui divise

Parmi les annonces opérationnelles, la réouverture prochaine de l’aéroport de Goma pour les vols humanitaires tenait une place centrale. Cet aéroport, essentiel pour acheminer l’aide, était fermé depuis que la ville était tombée aux mains de l’AFC/M23 en janvier 2025. Le président Macron a précisé qu’il ne s’agirait pas d’une réouverture complète, mais d’une reprise progressive pour des vols humanitaires de jour, opérés par de petits avions, et qui se ferait « dans le respect de la souveraineté congolaise ».

Cette décision unilatérale, prise sans consultation du groupe armé qui contrôle la zone, a provoqué de vives réactions.

Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23 qui n’a pas été invité à la conférence, a qualifié la décision d’« inopportune » et « déconnectée de la réalité ». Du côté du Rwanda, le ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a estimé avec force que « ce n’est pas à Paris qu’on va décider de la réouverture de l’aéroport de Goma » et a mis en garde contre l’impossibilité d’une telle opération « dans le contexte sécuritaire actuel ». Cette annonce, plutôt que de débloquer la situation, a ainsi mis en lumière les profondes divisions et la complexité des rapports de force sur le terrain.

Une conférence dans un paysage diplomatique complexe

Initiative co-organisée par la France et le Togo médiateur de l’Union africaine, cette conférence a rassemblé environ 70 délégations internationales. Son objectif affiché était de soutenir les dynamiques de négociation déjà en cours, notamment les médiations américaine et qatarie, sans chercher à les remplacer. Le président togolais, Faure Gnassingbé, a apporté un discours sans concession, dénonçant les dérives de l’aide humanitaire : « Les routes humanitaires sont parfois contrôlées, les convois taxés, les ressources détournées ». Il a plaidé pour un « contrôle africain renforcé » pour garantir l’efficacité et la dignité de l’assistance.

Toutefois, la participation est restée en deçà des attentes initiales. Seuls deux chefs d’État africains ont fait le déplacement : Félix Tshisekedi (RDC) et Faure Gnassingbé (Togo). Le Rwanda, autre acteur central de cette crise, n’était représenté que par son ministre des Affaires étrangères. L’absence des principaux belligérants directs autour de la table des négociations illustre les limites de l’exercice.

Entre espoirs et réalités

La Conférence de Paris a donc réussi à rallumer une flamme diplomatique et à mobiliser des promesses financières substantielles pour la région des Grands Lacs. Néanmoins, elle a aussi mis en lumière les limites des discours face à la complexité d’un conflit ancré dans la région depuis des décennies. L’écart reste béant entre les annonces faites dans les capitales et la réalité du terrain, où les combats se poursuivent et où la confiance entre les parties est inexistante.

Le véritable succès de cette initiative se mesurera à sa capacité à transformer ces engagements en actions tangibles, capables de soulager les populations et de soutenir durablement les processus de paix.

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