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Au cœur de la chapelle Sixtine, le silence est total. Il est rituel, voulu, sacré. Dans ce silence, un groupe restreint de cardinaux se recueille, prie, discute, puis vote. Le monde extérieur attend une fumée blanche, un nom, une parole. Mais ce qui s’est dit, ce qui s’est joué, reste à jamais scellé.
 Depuis des siècles, le conclave du latin cum clave, « sous clé » est l’expression la plus solennelle du mystère de l’Église : celui d’un peuple guidé par un pasteur choisi, non par la voix des hommes seuls, mais dans l’écoute de l’Esprit.

Pourtant, cette solennité peut-elle aujourd’hui continuer à se draper dans l’opacité complète sans susciter de malaise, voire de rejet ?

Dans un monde où la confiance dans les institutions s’effrite, où la transparence est devenue exigence de justice et non simple vertu de communication, l’Église ne peut ignorer les attentes de ses fidèles.

L’élection du pape, qui engage non seulement l’avenir de l’institution mais aussi la voix morale qu’elle entend porter au monde, demeure un événement majeur. Or, paradoxalement, c’est aussi l’un des plus secrets.

Ce secret, on le comprend : il protège les électeurs de pressions médiatiques, politiques ou idéologiques. Il leur permet de discerner dans la liberté, de peser les choix non en fonction des courants ou des modes, mais à la lumière de la mission. Mais ce secret, aussi légitime soit-il dans son intention, ne doit pas devenir refuge contre la reddition de comptes ou prétexte à l’entre-soi.

Le peuple de Dieu n’est pas un spectateur passif. Il est le corps vivant de l’Église, appelé à marcher ensemble. À l’heure où la synodalité est mise en avant par le pape François comme voie d’avenir, il semble paradoxal douloureusement même – que le processus de désignation du successeur de Pierre demeure si étranger à cet esprit d’écoute mutuelle.

Il n’est pas question de transformer le conclave en une élection démocratique ou médiatisée. Mais de réfléchir à des gestes de clarté : publication de profils, mise en lumière des enjeux discutés, préparation pastorale des fidèles.

Ce n’est pas seulement une question de méthode. C’est une question de fidélité à l’Évangile, qui ne craint pas la lumière. « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière », enseigne le Christ (Mt 10, 27). À l’heure des blessures causées par le silence de l’Église sur tant de drames passés, le devoir de clarté est devenu non seulement urgent, mais salutaire.

Le secret du conclave ne doit pas devenir symbole de fermeture. Il pourrait être, au contraire, l’occasion d’un nouveau témoignage : celui d’une Église qui ose faire confiance à ses membres, qui partage davantage ce qu’elle vit, ce qu’elle discerne, ce qu’elle espère.

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