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Semblable à une plaie béante que l’on panse sans jamais guérir, l’insalubrité persistante dans les marchés de Bangui, demeure un fléau à la fois visible, banalisé et ignoré. Les équipes dirigeantes se succèdent à la tête des municipalités, mais le problème reste entier, revenant sans cesse tel un rocher que Sisyphe pousserait en vain. Un mythe devenu quotidien.

Dans les allées étroites et encombrées des marchés populaires de Bangui Combattant, Pk12, Miskine, Km5 ou encore Sica la scène est tristement familière : des aliments jonchant le sol, entre flaques boueuses, nuées de mouches et relents fétides. Poissons, viandes, légumes, fruits tout y est exposé à même la terre battue, au milieu des détritus, parfois à proximité de carcasses de rats ou de matières en décomposition.

À quelques centimètres de ces denrées censées nourrir la population, s’amoncellent des déchets organiques et plastiques, souvent non ramassés depuis plusieurs jours. L’odeur est nauséabonde, la saleté, omniprésente, et la promiscuité entre vivres et ordures constitue un risque sanitaire évident : « C’est une situation à haut risque. Les denrées alimentaires exposées à de tels environnements sont potentiellement vectrices de maladies comme la typhoïde, la diarrhée ou le choléra », alerte un spécialiste des questions sanitaires urbaines.

Un cocktail toxique : entre insouciance, inertie et désorganisation

Un cocktail toxique mêlant insouciance généralisée, désorganisation chronique et inertie administrative maintient ces marchés dans un état de délabrement quasi permanent. Les municipalités, bien qu’ayant initié par moments des campagnes de propreté ou de réorganisation des étals, ne parviennent pas à enrayer durablement le phénomène. En fin de journée, les ordures s’accumulent, faute d’un système de collecte structuré et d’une implication constante des acteurs du marché.

Les commerçants, souvent installés de manière anarchique dans des zones non prévues à cet effet, participent malgré eux à accentuer le désordre. Entre manque d’éducation à l’hygiène et absence d’alternatives viables, ils perpétuent un modèle de vente à haut risque pour la santé publique.

« Un marché propre n’est pas un luxe, mais un droit fondamental pour chaque citoyen », rappelle un observateur du monde associatif.

Face à cette situation, quelques voix tentent d’émerger. Jeannine, vendeuse de légumes au marché de Miskine, en appelle à une prise de conscience collective : « Il nous faut plus de bacs à ordures, mais aussi une vraie éducation à l’hygiène. Vendre de la nourriture, ce n’est pas seulement exposer des produits, c’est garantir la santé des clients. On nous parle souvent de propreté, mais rien ne change tant qu’on ne nous donne pas les moyens. »

Son témoignage, simple et direct, reflète une vérité souvent éclipsée dans les débats publics : les premiers concernés, vendeurs comme clients, sont aussi les premières victimes de ce cercle vicieux.

Des solutions à portée de main, mais sous-exploitées

Face à ce défi, plusieurs leviers sont identifiés par les experts, les ONG et les citoyens engagés : réorganisation des espaces de vente, avec délimitation stricte des zones autorisées ; application rigoureuse des normes sanitaires existantes, avec sanctions en cas d’infraction ; education à l’hygiène des commerçants et des consommateurs ; installation de bacs à ordures et renforcement du système de collecte ; mobilisation des associations locales pour des campagnes régulières de nettoyage.

Les autorités municipales et gouvernementales sont ainsi appelées à passer de l’intention à l’action. Les solutions existent, mais peinent à être mises en œuvre de façon cohérente et continue.

La lutte contre l’insalubrité dans les marchés n’est pas uniquement une affaire de salubrité urbaine. Elle touche au droit fondamental à une alimentation saine, à la dignité des commerçants et à la santé publique de millions de Centrafricains. Laisser pourrir cette situation, c’est accepter que les marchés deviennent des foyers silencieux de maladies évitables.

Face à l’urgence sanitaire, les municipalités doivent faire preuve de courage politique, et la population, de responsabilité collective. Nettoyer les marchés, c’est plus qu’un acte civique : c’est un combat pour la vie.

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