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Le football centrafricain traverse une crise institutionnelle sans précédent. Depuis le 10 juin 2025, la décision du ministre de la Jeunesse et des Sports, Héritier Doneng, de suspendre le président de la Fédération Centrafricaine de Football (FCF), Célestin Yanindji, ainsi que plusieurs membres de son bureau exécutif, a déclenché un vif débat national et international sur la gouvernance du sport en Centrafrique.

L’origine immédiate de la crise remonte à l’annulation du match amical prévu le 9 juin entre la Centrafrique et la Tunisie. Les joueurs de la sélection nationale, les « Fauves de Bas-Oubangui », ont unanimement refusé de disputer la rencontre, dénonçant le non-paiement de leurs primes et le manque de garanties médicales satisfaisantes. Cette grève des joueurs a mis à nu des difficultés financières persistantes au sein de la fédération, mais elle a également offert au ministère l’opportunité d’intervenir fermement.

Dans un arrêté très médiatisé, le ministre Doneng a justifié sa décision en invoquant « l’incapacité manifeste » de la FCF à assurer une gestion efficace des ressources allouées, et en arguant de la nécessité pour l’État, principal financeur du sport national, de veiller à une gestion rigoureuse des fonds publics.

La défense de la Fédération

De son côté, la Fédération Centrafricaine de Football conteste la légitimité de cette suspension, qu’elle qualifie d’« illégale et arbitraire ». Selon les dirigeants suspendus, cette intervention ministérielle masquerait des velléités de contrôle politique sur une instance qui, jusque-là, bénéficiait d’une relative autonomie. Ils pointent notamment les récentes tentatives du ministre d’imposer un nouvel encadrement technique, illustrées par sa proposition de nommer Rigobert Song, ancien sélectionneur camerounais, à la tête de l’équipe nationale.

La FCF évoque un contexte financier globalement difficile, et affirme que l’État ne saurait se dédouaner de ses propres responsabilités en matière de soutien aux sélections nationales.

Au-delà des apparences purement sportives, ce bras de fer reflète des tensions plus larges autour du partage des sphères d’influence en Centrafrique. Le football, en tant que passion nationale et vecteur d’unité sociale, représente un enjeu stratégique pour le pouvoir politique. En renforçant sa tutelle sur la fédération, le gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra semble vouloir consolider son contrôle sur un secteur à forte visibilité populaire.

L’affaire illustre également les limites de l’indépendance des fédérations sportives dans des contextes institutionnels où le financement public demeure prépondérant.

Dans l’immédiat, l’avenir de la Fédération Centrafricaine de Football reste suspendu aux recours juridiques et aux interventions potentielles des instances internationales, notamment la Confédération Africaine de Football (CAF) et la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), connues pour leur vigilance quant à l’indépendance des fédérations nationales.

En attendant, ce sont les joueurs, les supporters et le développement du football centrafricain qui paient le prix de cette confrontation institutionnelle. Les espoirs placés dans l’essor des Fauves de Bas-Oubangui sur la scène continentale risquent ainsi d’être durablement affectés.

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