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YAOUNDÉ – Ce samedi 27 septembre 2025 marque le coup d’envoi officiel de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du dimanche 12 octobre 2025. Les rues de Yaoundé, habituellement animées d’une agitation familière, arborent ce matin les premières couleurs des partis en lice. Pourtant, derrière les banderoles qui commencent à être déployées et les premiers meetings qui s’organisent, une atmosphère particulière plane : celle d’une campagne dont les contours et l’issue semblent, pour beaucoup, déjà tracés.

Pour le président sortant, Paul Biya, 91 ans, au pouvoir depuis 1982 et candidat pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), cette campagne ouvre la voie vers un septième mandat consécutif. Le parti au pouvoir, machine bien huilée, a déjà programmé une série de grands rassemblements à travers le pays. Les militants, reconnaissables à leurs tee-shirts verts, s’affairent pour afficher la présence incontournable du « candidat naturel« . Le RDPC a donné le ton avec un meeting géant organisé simultanément dans les dix régions du pays. Sous le slogan « Le Septennat des Grandes Espérances », les militants ont renouvelé leur fidélité au président-candidat Paul Biya.

À Yaoundé, Patricia Tomaïno Ndam Njoya de l’UDC a mobilisé sur l’esplanade du stade omnisports, promettant une nouvelle ère politique.

À Ndikiniméki, Serge Espoir Matomba du PURS a appelé à la renaissance du Cameroun.

Dans le Nord-Ouest, Bamenda a vibré aux couleurs du SDF et Joshua Osih, tandis qu’à Garoua, Samuel Iyodi Hiram signait son baptême du feu.

À Douala, Jacques Bouga Hagbe lançait sa campagne à la Cité SIC.

Le PCRN de Cabral Libii, quant à lui prépare son meeting prévu dimanche au stade d’entrée Youpwè.

Une ouverture de campagne tous azimuts qui annonce deux semaines électorales sous haute intensité.

Une opposition fragmentée face au rouleau compresseur

Face à ce géant politique, l’opposition camerounaise se présente une nouvelle fois en ordre dispersé. Plusieurs figures, dont l’historique John Fru Ndi du Social Democratic Front (SDF), affaibli par l’âge et la maladie, et l’ancien ministre Joshua Osih, peinent à incarner une alternative crédible et unie aux yeux de nombreux électeurs. L’incapacité à former un front commun, un rêve caressé mais jamais réalisé, semble être le talon d’Achille de l’opposition face à la longévité du régime en place.

Cette fragmentation est accentuée par le contexte sécuritaire délétère que traverse le pays. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en proie à un conflit séparatiste qui dure depuis six ans, la campagne s’annonce virtuellement impossible. Les menaces des groupes armés et la peur des populations rendent tout rassemblement politique périlleux, privant des centaines de milliers de citoyens de leur droit à participer pleinement au processus démocratique. Dans l’Extrême-Nord, la menace persistante de Boko Haram ajoute une autre couche de complexité sécuritaire.

Une jeunesse en quête de sens

Le principal enjeu de cette campagne, peut-être, réside dans le cœur et l’esprit de la jeunesse camerounaise. Une génération qui, pour une large part, n’a connu qu’un seul président et qui est frappée de plein fouet par le chômage de masse et le manque de perspectives. Le taux d’abstention record enregistré lors du dernier scrutin présidentiel (plus de 70% en 2018) est un signal fort de défiance et de lassitude.

« À quoi bon participer si le résultat est connu d’avance ? », s’interroge Parfait, un étudiant de 24 ans rencontré à Douala. « On nous parle de campagne, mais nous, on vit les coupures d’eau, le manque d’électricité et la difficulté à trouver un premier emploi. Aucun candidat ne me parle vraiment. » Ce sentiment de désillusion est largement partagé et constitue le défi majeur pour tous les prétendants à la magistrature suprême : redonner foi en la politique à une jeunesse désenchantée.

Entre ritualisme démocratique et attentes populaires

Les deux semaines de campagne qui s’ouvrent vont donc se dérouler sur deux plans distincts. D’un côté, le ritualisme démocratique : meetings, caravanes automobiles, distributions de tee-shirts et discours-programmes. De l’autre, la réalité profonde d’un pays à la croisée des chemins, confronté à de multiples crises et où une partie de la population observe le processus avec un scepticisme grandissant.

Alors que les haut-parleurs commencent à grésiller et que les slogans résonnent dans les artères des grandes villes, la question n’est peut-être pas de savoir qui remportera l’élection, mais plutôt quel sera le niveau de participation et la capacité de ce scrutin à apaiser, ne serait-ce qu’un temps, les tensions qui traversent la société camerounaise. La véritable campagne, celle pour la confiance des Camerounais, est peut-être celle qui se joue bien au-delà des estrades et des manifestations officielles.

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