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La peur est devenue le quotidien des habitants de Bocaranga, localité située dans le nord-ouest de la République centrafricaine. Dans une vidéo transmise discrètement à notre rédaction, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une situation sécuritaire dramatique, entretenue depuis plus d’une décennie par la présence de groupes armés dans la région.
 L’appel des populations est clair : elles réclament des actions concrètes pour leur redonner la paix et la liberté de mouvement.

La dégradation de la sécurité à Bocaranga remonte à la prise de pouvoir de la coalition Séléka en 2013. Cette alliance de groupes rebelles, venue principalement du nord-est du pays, avait envahi Bangui, plongeant la Centrafrique dans un chaos sans précédent. Si la Séléka a officiellement été dissoute après son éviction du pouvoir, ses anciens combattants se sont reconvertis dans divers groupes armés aux agendas et zones d’influence variés.

Dans la préfecture de l’Ouham-Pendé, les structures étatiques ont peu à peu disparu. L’État, déjà fragile avant la crise, n’a jamais réellement rétabli son autorité sur l’ensemble du territoire. À Bocaranga, cette vacance de pouvoir a laissé le champ libre à l’émergence de nouveaux seigneurs de guerre. Le plus influent aujourd’hui reste le groupe armé 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), accusé de multiples exactions contre les civils depuis 2015.

Des zones rurales devenues inaccessibles

Les axes routiers autour de Bocaranga sont désormais aux mains des hommes armés. Selon un habitant ayant requis l’anonymat : « il est pratiquement impossible de parcourir plus de 20 kilomètres sans rencontrer un barrage contrôlé par des rebelles. Nous ne pouvons pas vaquer librement à nos activités sans risquer d’être agressés. »

Pillages, agressions, viols et enlèvements se multiplient, parfois en plein jour, dans l’impunité la plus totale. Des éleveurs et commerçants, pourtant moteurs de l’économie locale, abandonnent progressivement leurs activités. Les villages voisins se vident, les marchés se raréfient, et l’accès aux services sociaux de base devient de plus en plus difficile.

Les populations de Bocaranga expriment un fort ressentiment envers la MINUSCA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique. Bien qu’elle soit présente dans la ville, sa marge d’action semble limitée, voire inefficace selon certains habitants : « Souvent, nous lançons des alertes, mais la MINUSCA ne réagit pas. Ils patrouillent uniquement en ville. Ce que nous demandons, c’est qu’ils désarment ces bandits qui terrorisent la population. Si la MINUSCA n’en est pas capable, qu’elle laisse la place aux instructeurs russes, eux au moins veulent agir », déclare un habitant désabusé.

Ce point de vue, partagé par une partie de la population, révèle une fracture de confiance entre la mission onusienne et les civils qu’elle est censée protéger. La frustration est d’autant plus grande que, dans certaines zones du pays, des instructeurs russes et des groupes paramilitaires qui leur sont affiliés ont été perçus comme plus offensifs contre les groupes armés malgré les polémiques internationales entourant leur présence.

Les FACA, présentes mais démunies de moyens d’intervention

Quant aux Forces armées centrafricaines (FACA), elles disposent d’une garnison dans la ville, mais leur capacité d’action est limitée par le manque de ressources, d’équipement et de soutien logistique. Les soldats en poste ne sont pas toujours en mesure de sécuriser les axes routiers ni de mener des opérations offensives dans les zones rurales.

De nombreux habitants estiment que sans un renforcement des capacités des FACA, la situation ne pourra pas évoluer durablement : « Nos militaires font ce qu’ils peuvent, mais ils ne peuvent pas tout faire sans appui », témoigne un jeune leader communautaire.

Dans cette atmosphère pesante, une chose réunit tous les habitants : le désir profond de vivre en paix. La situation humanitaire est également préoccupante. L’insécurité freine l’action des ONG, limite l’approvisionnement des centres de santé et menace la rentrée scolaire dans plusieurs villages de la région.

Face à ce constat alarmant, les populations de Bocaranga lancent un appel aux autorités centrafricaines, à la communauté internationale, et aux acteurs présents sur le terrain. Elles réclament des opérations de désarmement ciblées, un renforcement de la présence étatique et une justice pour les victimes des nombreuses violations des droits humains.

Tant que ces conditions ne seront pas réunies, la population de Bocaranga continuera à vivre sous la menace permanente des armes, oubliée d’un conflit qui, malgré des années de médiation et d’accords de paix, reste encore loin d’être résolu.

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