
Réunis à Bangui pour le Caucus Africain 2025, les dirigeants du continent ont, une fois de plus, dressé un constat accablant de la situation économique de l’Afrique. Entre dettes abyssales, fuites de capitaux et dépendance chronique à l’aide extérieure, les défis sont connus. Les solutions aussi. Mais ce sommet marquera-t-il enfin un tournant ou restera-t-il une énième déclaration d’intention sans lendemain ?
La capitale centrafricaine a accueilli cette année les assises du Caucus Africain 2025, un rendez-vous continental censé tracer les grandes lignes du financement du développement en Afrique. Le président Faustin Archange Touadéra, hôte de la rencontre, a livré un discours ambitieux, riche en constats lucides… mais aussi en promesses qui pourraient bien rester lettre morte, si les actes ne suivent pas.
Dès l’ouverture, le ton est donné : « l’Afrique croule sous les dettes, les infrastructures font défaut, les financements promis tardent ou s’évaporent, et les fuites de capitaux illicites gangrènent la capacité d’investissement du continent. »
Rien de nouveau sous le soleil. Mais là où beaucoup de discours politiques se perdent dans la langue de bois, Touadéra a eu le mérite de nommer clairement les maux : « dépendance excessive à l’aide extérieure, surendettement croissant, inefficacité des administrations fiscales, et gouvernance parfois défaillante. »
De » Les sources traditionnelles de financement ne suffisent plus », a-t-il martelé, tout en appelant à une refonte des stratégies économiques africaines, appuyée sur la bonne gouvernance, la transparence, et surtout des solutions africaines aux problèmes africains.
Des idées, beaucoup d’idées…
Au-delà du constat, la panoplie des propositions du président centrafricain impressionne par sa diversité : mobilisation accrue des ressources domestiques, financement vert, obligation de la diaspora, dette contre projets, tokenisation, blockchain, zones économiques spéciales, agriculture intelligente… une avalanche de concepts parfois plus technocratiques que concrets, qui montre au moins une chose : l’Afrique sait ce qu’il faut faire.
Car l’essentiel n’est plus dans les idées, mais dans l’action. Les institutions internationales sont pointées du doigt pour leur lenteur bureaucratique, mais les États africains eux-mêmes souffrent d’une incapacité chronique à exécuter leurs propres stratégies.
Entre projets mal ficelés, budgets détournés, ou administrations paralysées par la corruption, les « visions 2028 » ou « plans nationaux de développement » restent souvent sur le papier. Le cas centrafricain est emblématique. Le président Touadéra a évoqué un Plan national de développement 2024-2028, censé marquer le passage de « l’humanitaire au développement ».
Un changement de paradigme louable, mais ambitieux dans un pays où l’État peine encore à exercer une autorité pleine sur l’ensemble du territoire, et où l’économie est largement informelle et fragile.
« Des urgences à l’émergence », dit le slogan. Mais pour cela, la République Centrafricaine, comme tant d’autres, aura besoin de financements massifs, notamment concessionnels, ainsi que d’une volonté politique inébranlable pour rompre avec les pratiques du passé.
Touadéra a aussi salué la simplification des procédures de l’IDA (Association Internationale de Développement), tout en appelant les bailleurs de fonds à la table ronde de Casablanca prévue pour financer son PND. Encore faudra-t-il convaincre au-delà des mots.
À quoi servira ce Caucus Africain ? Une simple messe annuelle de plus entre technocrates ? Ou un véritable levier de rupture ? À Bangui, la symbolique est forte : un pays encore meurtri, mais qui ose s’afficher comme pivot du débat africain sur le financement du développement.
La balle est désormais dans le camp des gouverneurs africains, qui devront transmettre des recommandations aux géants de Bretton Woods. Mais à quoi bon ces recommandations si elles ne s’accompagnent pas d’un courage politique radical pour changer la donne sur le terrain ?
Le président centrafricain l’a dit avec justesse : « Ce Caucus doit être le lieu d’une introspection lucide. » À lui, à ses pairs et à leurs partenaires d’en faire aussi un lieu de vérité, d’action… et de résultats.