
Après un périple éprouvant de près de 1 500 km, traversant routes dégradées, chaleur accablante et pluies torrentielles, le Cardinal Dieudonné Nzapalainga a dressé un constat accablant sur la situation dans la Basse-Kotto. En visite pastorale dans la sous-préfecture de Gambo, il a rencontré autorités locales et habitants, et s’est alarmé des conditions de vie précaires de cette région marginalisée.
Devant les fidèles réunis après une célébration à la Chapelle Saint-Pierre, le Cardinal a exprimé son indignation face à l’isolement de cette région : « Nous avons roulé des heures sur des routes qui n’en sont plus. Nous avons vu des villages entiers sans école, sans hôpital digne de ce nom. Comment un peuple peut-il survivre sans routes, sans éducation, sans soins ? »
Le Cardinal n’a pas caché son émotion face aux réalités qu’il a observées : « Je suis venu ici en pasteur, mais je repars le cœur lourd. L’oubli d’une région est une injustice, et c’est une injustice que nous devons dénoncer. »
« Une éducation en souffrance : « Des enfants assis à même le sol »
Dans la Basse-Kotto, près de 80 000 élèves sont scolarisés au niveau Fondamental 1, mais l’enseignement repose essentiellement sur des maîtres-parents sous-formés, faute d’enseignants qualifiés. Le Cardinal a été frappé par la précarité des conditions d’apprentissage : « Nous avons visité des écoles où des enfants sont assis à même le sol, faute de tables et de bancs. D’autres doivent apporter un tabouret de chez eux pour espérer suivre les cours. Comment peut-on apprendre dans de telles conditions ? »
Le manque de professeurs qualifiés et les mariages précoces empêchent de nombreux enfants, en particulier les jeunes filles, de poursuivre leur scolarité.
Dans les structures sanitaires, la pénurie de médicaments met en danger les patients. Le Cardinal a dénoncé une gestion chaotique des dotations prévues par le projet SENI et SENI PLUS : « Les médicaments arrivent parfois trop tard, souvent à quelques mois de leur péremption. Et quand ils manquent, les malades sont obligés d’acheter sur le marché, où la qualité n’est pas garantie. C’est une catastrophe. »
Les formations sanitaires, en manque de personnel et d’équipements, sont souvent contraintes de se ravitailler en médicaments en République Démocratique du Congo (RDC), où les contrôles sont moins stricts : « Imaginez une mère qui doit traverser la rivière pour acheter un médicament à son enfant, sans savoir s’il est efficace ou dangereux. Est-ce normal ? »
« Un réseau routier inexistant : « La Basse-Kotto est coupée du pays »
Les routes sont devenues impraticables, forçant les habitants à utiliser des chemins de fortune ou à commercer avec la RDC. Le franc congolais circule d’ailleurs davantage que le franc CFA, une situation préoccupante pour l’économie locale : « Quand une région ne peut plus commercer avec le reste du pays, elle est condamnée au déclin. Si la route n’existe plus, c’est que l’État a abandonné cette population.
Le Cardinal appelle à des investissements urgents dans les infrastructures routières, condition indispensable au désenclavement et au développement économique.
Si le déploiement des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) est un progrès, la région reste sous la menace des groupes armés qui entravent la libre circulation. Le Cardinal a salué les efforts de stabilisation, tout en demandant un engagement plus ferme de l’État : « La paix ne se décrète pas, elle se construit. Et elle ne sera possible que si l’État reprend le contrôle total du territoire et protège ses citoyens. »
Face à ce constat alarmant, le Cardinal Nzapalainga exhorte les autorités nationales et les partenaires internationaux à agir : « Nous ne pouvons pas nous contenter de paroles. La Basse-Kotto a besoin d’écoles, d’enseignants, d’hôpitaux fonctionnels, de routes. Il est temps d’agir, car une nation qui oublie ses propres enfants les condamne. »
« Un dernier mot d’espérance : « La lumière viendra »
Malgré les souffrances qu’il a constatées, le Cardinal Nzapalainga a tenu à conclure sur une note d’espoir : « L’obscurité ne dure pas toujours. Avec la volonté de tous, la lumière viendra. Mais pour cela, nous devons être des acteurs du changement, et ne pas nous résigner à l’injustice. » Le message est clair : il faut briser le silence autour de la Basse-Kotto et agir sans attendre.