
Une histoire d’amour peut-elle masquer une infraction ? Une tenue militaire peut-elle neutraliser la justice ? Et surtout, que vaut la parole d’une mineure face à l’ombre imposante d’un État qui protège les siens ? Ces questions s’imposent avec fracas depuis que l’affaire Pivert agite les rues, les salons et les réseaux.
Pivert, jeune homme à peine sorti de sa formation militaire, revient en ville après une longue absence.
Il y retrouve Lina, adolescente de 16 ans, présentée comme sa « petite amie ». Les sentiments sont là, semble-t-il.
Mais très vite, la passion vire au trouble. Pivert demande à la grand-mère de Lina de laisser celle-ci passer la nuit avec lui.
La réponse est non. Sans surprise. Mais sans égard pour cette décision, Lina se rend chez Pivert de son propre chef, et la nuit se déroule à l’abri des regards.
Au petit matin, les deux reviennent au domicile familial. Et là, l’explosion. La grand-mère, furieuse, crie au rapt, à la débauche, au crime. Elle menace de porter plainte. L’indignation monte. Les langues se délient. L’affaire prend une tournure publique. On s’interroge : Lina a-t-elle vraiment 16 ans ? Était-elle consentante ? Peut-elle l’être aux yeux de la loi ? Et surtout : que risque réellement un militaire en activité dans ce pays lorsqu’il se trouve accusé d’une telle situation ?
La rumeur enfle, portée par une vérité que personne n’ose affronter : dans ce pays, l’uniforme offre parfois un passe-droit moral, social et judiciaire. Certains affirment que Pivert n’a « rien à craindre » tant qu’il porte ses galons. Comme si l’engagement militaire effaçait toute responsabilité personnelle.
C’est là que le scandale dépasse le simple fait divers.
Car cette affaire illustre une dérive systémique : l’impunité supposée de ceux qui représentent l’État, même lorsque leurs actes bafouent les lois de la République. La loi est pourtant claire : toute relation sexuelle avec une personne de moins de 18 ans est illégale, même si elle est consentante. L’âge légal ne se négocie pas. Il protège. C’est une ligne rouge.
Mais cette ligne est floue pour certains. Elle disparaît sous le vernis de l’autorité, sous les effets d’un pouvoir militaro-institutionnel qui ne rend de comptes à personne. Et ce n’est pas un cas isolé. Cette affaire Pivert est le miroir d’un dysfonctionnement plus vaste : l’incapacité de nos institutions à faire respecter l’égalité devant la loi.
Pourquoi la plainte n’a-t-elle pas été déposée immédiatement ? Pourquoi hésite-t-on à poursuivre ? Pourquoi entend-on davantage les voix qui défendent le garçon que celles qui protègent la fille ? Parce que dans cette société, trop souvent, le silence est la seule arme qu’il reste aux plus faibles.
Et la loi du silence est encore plus lourde lorsque l’adversaire porte l’uniforme. Une adolescente issue d’un quartier populaire, élevée par sa grand-mère, n’a pas le même poids qu’un soldat adoubé par l’État. Même quand elle est victime. Même quand elle est mineure.
Repenser le pouvoir, recruter autrement
Cet épisode pose une autre question brûlante : qui recrute-t-on dans la fonction publique, et surtout dans l’armée ? Le processus d’intégration devrait être bien plus qu’un exercice physique et une vérification de dossier. Il devrait interroger la maturité, l’éthique, la conscience citoyenne. Être soldat ne donne pas de droits supérieurs. Cela donne des devoirs. Et ceux-ci incluent l’exemplarité.
Nous ne pouvons continuer à ouvrir les portes de nos institutions à des individus sans cadre moral, sans conscience civique, sous prétexte qu’ils obéissent bien. Car l’obéissance ne vaut rien sans la responsabilité.
Aujourd’hui, nous attendons une réponse de la justice. Une vraie. Pas un compromis, pas un camouflage. Parce que cette affaire, derrière ses allures d’histoire de cœur, est un test pour notre démocratie. Elle dira si la loi protège vraiment les plus vulnérables ou si elle se couche devant les symboles de pouvoir.
Il est temps que les institutions cessent de protéger les individus au détriment des principes. Il est temps que chaque uniforme se rappelle qu’il est censé servir la loi, et non s’en servir.