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La commune de Bombe, dans la sous-préfecture d’Amada-Gaza proche de Nola dans la préfecture de la Mambere, est au cœur d’une véritable tempête politico-administrative. Ali HAMADAMA, président de la Délégation Spéciale de Bombe, a été suspendu pour une durée de trois mois par le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, sur fond d’accusations de malversations financières, de mauvaise gestion, et de violations de la déontologie. Mais au-delà de l’arrêté ministériel, cette suspension soulève de nombreuses interrogations et laisse transparaître des tensions politiques d’une rare intensité.

Une mesure officiellement administrative, mais politiquement chargée, car le texte officiel du ministère s’appuie sur des rapports circonstanciés d’autorités locales, dénonçant la gestion opaque des finances communales, des pratiques jugées autoritaires, et des entorses aux principes fondamentaux de la fonction publique. Toutefois, cette version des faits ne convainc pas tout le monde. Dans la région, beaucoup y voient une décision motivée par des calculs politiques plus que par des considérations administratives.

Ali HAMADAMA, surnommé « Bailleur », jouit d’une forte popularité dans la commune. Sous son leadership, Bombe a connu une série de transformations visibles : réhabilitation des routes secondaires, construction d’écoles communautaires, multiplication de forages pour l’accès à l’eau potable, et relance de certaines activités économiques rurales. Sa gouvernance, bien que critiquée par certains pour son caractère solitaire, est saluée par une partie significative de la population.

Une affaire d’exploitation forestière au cœur de la crise

Le détonateur de cette saga, semble avoir été un conflit autour de l’exploitation d’un site forestier stratégique situé non loin de Bombe. Selon plusieurs sources concordantes, HAMADAMA aurait mené une mission d’inspection sur ce site, s’opposant aux modalités proposées par une autre partie prenante à l’instar de Mr Rigobert YELE, alias « Malingo. Le désaccord, loin d’être anodin, aurait exposé des intérêts économiques puissants, déchaînant une série de pressions politiques visant à l’écarter du dossier.

Des allégations graves circulent depuis lors : des hauts responsables du ministère auraient reçu des sommes d’argent en provenance de l’adversaire d’HAMADAMA pour orienter la décision de suspension. Le nom du ministre Bruno YAPANDE est cité, bien qu’aucune preuve formelle n’ait été présentée à ce jour. Cette situation renforce le climat de suspicion et alimente les discours autour d’une cabale politique bien organisée.

Un nouvel élément est venu s’ajouter au puzzle : la supposée implication du député d’Amada-Gaza, Ousmane GBALASSOUNDOU. Ancien membre du KNK rallié depuis au MCU, GBALASSOUNDOU est décrit par certains comme l’un des cerveaux de la manœuvre. Il aurait agi de concert avec Amadou WAZIRI, ancien candidat malheureux aux législatives à Berberati 1 sous les couleurs du MLPC.

Ce duo, selon des sources proches du MCU, chercherait à renforcer sa mainmise sur la région en neutralisant les figures locales indépendantes ou jugées trop populaires. HAMADAMA, avec sa base populaire solide et sa relative autonomie politique, représentait un danger pour leurs ambitions. Plusieurs observateurs parlent d’une alliance de circonstances entre deux anciens opposants, unis par un objectif commun : le contrôle des ressources et des réseaux d’influence pré-électorale.

Une succession controversée

La décision de confier la présidence de la Délégation Spéciale à Rigobert YELE, alias « Malingo », n’a pas apaisé les tensions. YELE est considéré comme un loyaliste du MCU, cumulant les postes de président local du parti et de premier vice-président préfectoral. Sa nomination, intervenue dans un contexte d’urgence, est interprétée comme une stratégie de reprise en main de la base politique locale par le parti au pouvoir.

Mais cette désignation pourrait être à double tranchant : YELE ne dispose pas encore d’un ancrage fort dans la commune, et l’ombre de HAMADAMA plane toujours sur les rues de Bombe.

La manière dont la suspension a été exécutée fait grincer des dents même au sein du MCU. Des cadres dénoncent une sanction « précipitée et maladroite », susceptible de renforcer l’aura d’HAMADAMA au lieu de l’affaiblir. L’homme, déjà très populaire, pourrait capitaliser sur cette mise à l’écart pour lancer une candidature aux législatives de 2025.

Plusieurs habitants de Bombe partagent cet avis. « Il a fait ce que personne n’avait fait ici. Il a changé notre quotidien. Ce n’est pas juste de le virer comme ça », confie un notable de Ngaoumba. « Nous sommes prêts à le soutenir s’il se présente », ajoute un jeune leader communautaire.

Enjeux électoraux et dérapages institutionnels

L’affaire HAMADAMA met en lumière les dérives possibles d’un système où les fonctions administratives sont instrumentalisées à des fins partisanes. Alors que les élections groupées de 2025 approchent, chaque mutation, chaque suspension, chaque nomination est désormais perçue comme un coup joué sur un échiquier où l’intérêt collectif passe souvent au second plan.

Suspendu, mais pas écarté politiquement, Ali HAMADAMA reste un acteur incontournable. S’il choisit de se lancer dans la bataille électorale, son retour pourrait rebattre les cartes, tant au sein du MCU qu’au niveau régional. D’autant que ses adversaires supposés, GBALASSOUNDOU et WAZIRI, pourraient être fragilisés par leur propre stratégie, perçue comme une cabale politicienne.

Le cas HAMADAMA n’est pas un fait isolé, mais le reflet d’une gouvernance locale en proie à des tensions multiples : luttes d’intérêts, personnalisation du pouvoir, absence de contre-pouvoirs réels. Dans ce contexte, les collectivités locales deviennent les terrains d’affrontements politiques déguisés, loin des préoccupations réelles des populations.

En attendant, les habitants de Bombe restent suspendus à l’évolution de cette situation. Entre méfiance, colère et espoir, ils attendent de voir si la politique peut encore servir l’intérêt commun plutôt que des intérêts particuliers.

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