
À l’occasion du Sommet de haut niveau du G7+ tenu à New York le 23 septembre 2025, le président de la République centrafricaine, Faustin Archange Touadéra, a prononcé un discours à la fois lucide et ambitieux. Dans une allocution empreinte d’optimisme, le chef de l’État centrafricain a défendu la nécessité d’une nouvelle architecture de coopération internationale, fondée non pas sur la dépendance, mais sur la souveraineté, la résilience et la dignité économique.
Au-delà du ton solennel, son intervention s’inscrit dans une dynamique plus large : celle de pays dits “fragiles” qui refusent désormais d’être enfermés dans cette étiquette réductrice et aspirent à transformer leurs vulnérabilités en atouts stratégiques.
Créé en 2010, le G7+ regroupe une vingtaine de pays en transition ou sortant de crises prolongées. Son objectif est de partager les expériences en matière de consolidation de la paix, de gouvernance et de développement. Longtemps perçue comme un groupe symbolique aux marges des grandes négociations internationales, la coalition cherche aujourd’hui à renforcer son poids diplomatique et économique.
Dans ce contexte, le président centrafricain a rendu hommage au travail de la Sierra Leone, présidente sortante, et salué la prise de relais des Îles Salomon, avec l’appui des vice-présidences de la République Démocratique du Congo et du Libéria. Ce passage de témoin symbolise, selon lui, la volonté de donner une plus grande cohérence et crédibilité à l’action collective du G7+.
Touadéra : un plaidoyer pour un développement souverain
Au cœur de son discours, Faustin Archange Touadéra a défendu l’idée d’un “développement souverain”. Dans une formule qui résume son approche, il a insisté : “Nos pays disposent d’une jeunesse dynamique, d’une biodiversité exceptionnelle et de ressources naturelles considérables. Ces atouts doivent être utilisés pour définir notre place dans le système international.”
En s’appuyant sur le Plan national de développement 2024–2028 de la République centrafricaine, il a rappelé les efforts entrepris pour réformer les institutions, relancer l’économie et transformer la gestion des ressources naturelles en levier de prospérité. L’exemple mis en avant est celui du lancement de la première séquestration de crédits carbone dans un pays qui abrite à lui seul 10 % de la forêt du Bassin du Congo : une initiative pionnière, présentée comme une preuve concrète que les pays dits fragiles peuvent être moteurs de solutions face aux défis climatiques mondiaux.
Mais l’ambition du président centrafricain va plus loin. Conscient des limites imposées par l’architecture financière internationale, qu’il accuse d’“enfermer trop souvent nos pays dans la dette et l’exclusion”, il a mis sur la table plusieurs propositions structurantes :
La création d’une Facilité des revenus des ressources naturelles, destinée à garantir une gestion équitable et intergénérationnelle des richesses minières et forestières.
La mise en place d’une Banque d’investissement du G7+, pour financer des projets dans les secteurs stratégiques : infrastructures, santé, éducation, énergies renouvelables.
Ces propositions, si elles voient le jour, pourraient constituer une alternative crédible aux conditionnalités traditionnelles imposées par le FMI et la Banque mondiale, et donner au G7+ une voix collective plus affirmée.
La solidarité “fragile-à-fragile” comme nouveau paradigme
Un autre message fort de Touadéra est la mise en avant de la solidarité “fragile-à-fragile”. Plutôt que de dépendre exclusivement de l’aide extérieure, il plaide pour une coopération renforcée entre les pays du G7+, fondée sur le partage d’expériences et d’outils concrets.
Cette approche inclut la mise en place d’un Système de réponse rapide, destiné à intervenir en cas de crise politique, sécuritaire ou humanitaire, ainsi que la création d’un Centre de Consultation pour partager l’expertise en matière de gouvernance, de médiation et de gestion des ressources naturelles.
Le discours du président centrafricain s’inscrit dans une réflexion plus large sur la place de ces nations dans la gouvernance mondiale. En plaidant pour que le G7+ obtienne un statut d’observateur dans les grandes enceintes multilatérales, Touadéra cherche à rompre avec l’image d’un club marginal pour en faire une plateforme stratégique, capable de peser dans les négociations sur la paix, la sécurité alimentaire et le climat.
Cette ambition n’est pas dénuée d’obstacles. Les fragilités internes instabilité politique, dépendance aux rentes, faiblesse institutionnelle demeurent une réalité quotidienne pour plusieurs membres du groupe. Mais l’allocution de New York marque un changement de ton : celui d’une coalition qui entend se repositionner non plus comme “problème à gérer”, mais comme acteur de solutions globales.
Touadéra a résumé cette volonté de transformation par une formule forte : “Passer du langage de la fragilité à celui de la valeur, de la dépendance à celui de la dignité, de l’isolement à celui de la solidarité stratégique.”