
Le gouvernement centrafricain a finalement cédé. Après des semaines d’hésitations et de tensions, il a donné son feu vert à la marche pacifique du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), prévue le 4 avril. Une décision qui, si elle peut être perçue comme une ouverture démocratique, cache en réalité une situation politique bien plus préoccupante.
À travers cette mobilisation, le BRDC entend dénoncer les conditions de vie toujours plus difficiles des Centrafricains. Une inflation galopante, un pouvoir d’achat en chute libre et une insécurité persistante pèsent lourdement sur une population déjà exsangue. Mais derrière cette contestation sociale, c’est aussi la question politique qui cristallise les tensions : le spectre d’un éventuel troisième mandat du président Faustin-Archange Touadéra plane dangereusement sur le pays.
Depuis plusieurs mois, des rumeurs insistantes évoquent une révision constitutionnelle taillée sur mesure pour permettre au chef de l’État de se maintenir au pouvoir. Une perspective qui inquiète, d’autant plus que la Centrafrique a déjà été marquée par des décennies d’instabilité politique. La démocratie, encore fragile, peut-elle survivre à un nouveau bras de fer entre opposition et pouvoir ? Cette question, pourtant essentielle, semble étrangement mise de côté par les autorités, qui préfèrent jouer à l’illusion de la stabilité.
En autorisant cette marche, les autorités jouent la carte de l’apaisement, mais sans doute aussi du calcul politique. Réprimer une manifestation pacifique aurait été un aveu de faiblesse et un risque d’attiser davantage la colère populaire. Laisser s’exprimer la contestation permet, au contraire, de donner l’illusion d’une ouverture démocratique, tout en gardant la situation sous contrôle.
Cependant, cette approche dénote un manque de courage politique. En effet, l’autorisation d’une simple marche ne suffit pas à dissiper les frustrations accumulées par des années de gouvernance autoritaire et de promesses non tenues. Qu’en est-il des réformes réelles et des solutions durables aux problèmes quotidiens des citoyens ? Laisser une poignée de manifestants défiler dans les rues sans véritablement adresser les causes profondes des tensions sociales semble, au fond, une démarche opportuniste et symbolique plutôt qu’un réel engagement à répondre aux attentes populaires.
Vers un bras de fer inévitable ?
L’autorisation de cette marche ne doit pas faire illusion : le bras de fer entre le BRDC et le pouvoir ne fait que commencer. Si la contestation prend de l’ampleur, le gouvernement pourrait être tenté de durcir le ton, comme il l’a déjà fait par le passé. La question du troisième mandat, elle, reste en suspens. Si le gouvernement persiste dans sa démarche de manipuler la Constitution à sa convenance, cela ne fera qu’ajouter du combustible à un feu déjà bien alimenté.
Le 4 avril sera un test décisif. Pour le BRDC, qui devra prouver sa capacité à mobiliser au-delà de son cercle habituel. Pour le gouvernement, qui devra gérer une contestation croissante sans tomber dans la répression brutale. Et surtout pour le peuple centrafricain, qui attend, peut-être avec espoir, un véritable sursaut démocratique.
Mais que restera-t-il du pouvoir d’un président qui ne semble pas prêt à accepter les règles du jeu démocratique, préférant étouffer toute forme de dissidence sous couvert de réformes institutionnelles ? Ce n’est pas en autorisant une simple marche que l’on résout les véritables fractures du pays. L’histoire récente de la Centrafrique nous a appris que l’apparence de la réconciliation masque parfois une volonté de maintenir le statu quo, et ce, à tout prix.