
La République centrafricaine sombre-t-elle lentement mais sûrement dans une gouvernance autoritaire où l’appareil judiciaire et les forces de sécurité deviennent des instruments politiques ? L’arrestation spectaculaire des frères Christian et Eusèbe Dondra, pose une question fondamentale : s’agit-il d’une véritable affaire criminelle ou d’une manœuvre politique destinée à éliminer des opposants gênants ?
Une arrestation aux allures de mise en scène, en effet tout s’est joué dans la nuit du 19 au 20 mars 2025. Christian Dondra, notaire respecté, est interpellé dans un hôtel de Bangui (4 Saisons), tandis que son frère, cadre au ministère des Finances, est arrêté chez lui. On évoque des preuves accablantes, une mystérieuse femme, une bouteille de whisky empoisonnée, et même un enregistrement compromettant.
Mais à mesure que l’affaire se dévoile, des interrogations surgissent. Pourquoi cette arrestation ultra-médiatisée ? Pourquoi la rapidité avec laquelle les accusations ont fusé ? Depuis quand l’OCRB, habituée aux interventions contre les bandits de grand chemin, s’occupe-t-elle d’affaires aussi sensibles ?
Un pouvoir aux abois qui élimine ses opposants ?
Là où certains voient une tentative criminelle déjouée, d’autres y perçoivent un coup monté pour neutraliser un adversaire politique de premier plan : Henri-Marie Dondra, ancien Premier ministre, aujourd’hui rival déclaré du pouvoir en place.
Depuis son départ du Mouvement Cœurs Unis (MCU) en 2023 et la création de son parti, Unité Républicaine (UNIR), Henri-Marie Dondra représente une menace pour Faustin-Archange Touadéra, surtout à l’approche de l’élection présidentielle de décembre 2025. Et voici que, subitement, ses proches se retrouvent au cœur d’un scandale aussi retentissant que trouble. Coïncidence ? Difficile à croire.
Ce n’est pas la première fois que des figures politiques opposées au régime sont inquiétées par la justice l’on se souvient encore de la scène Yandocka, ou la Justice Centrafricaine a démontré ses limites en matières de la séparation de pouvoir. L’arrestation des frères Dondra s’inscrit dans une tendance préoccupante : ces dernières années, les procès à charge, les intimidations et les détentions arbitraires se sont multipliés contre les opposants et les voix discordantes.
Le modus operandi est toujours le même : des accusations graves, des preuves qui peinent à convaincre, une presse pro-gouvernementale qui relaie la version officielle avant même la fin de l’enquête, et une machine judiciaire qui s’emballe sous pression politique.
Le message est clair : quiconque menace le pouvoir en place doit être écarté, discrédité ou neutralisé.
Si les accusations contre les frères Dondra s’avèrent fondées, la justice devra suivre son cours. Mais si, comme de nombreux observateurs le craignent, cette affaire est une cabale politique, alors elle confirme ce que beaucoup redoutent : la Centrafrique bascule progressivement vers un régime où l’opposition n’a plus sa place et où la peur dicte la loi.
Aujourd’hui, c’est Christian et Eusèbe Dondra. Demain, à qui le tour ? La démocratie centrafricaine peut-elle survivre à une telle instrumentalisation de la justice et des forces de sécurité ?
Plus que jamais, la réponse à cette question déterminera l’avenir politique du pays.