
Depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré incarne une nouvelle ère pour le Burkina Faso. Porté par un discours nationaliste et une volonté affichée de rupture avec l’ancien ordre, il a initié des réformes d’envergure, tant sur le plan militaire qu’économique. Mais derrière cette dynamique, des interrogations subsistent quant à la pérennité de son projet et aux défis colossaux qui restent à relever.
Si Traoré a justifié son coup d’État par l’échec de son prédécesseur à contenir l’insécurité, il n’a pas tardé à mettre en place une stratégie militaire plus musclée. En moins de deux ans, il a su renforcé les capacités des Forces armées burkinabè (FAB), multiplié les recrutements de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et acquis du matériel militaire, notamment des drones de combat. Les résultats sur le terrain restent contrastés : bien que certaines zones aient été reconquises, les attaques djihadistes persistent, laissant planer le doute sur l’efficacité réelle de cette approche.
L’un des actes les plus symboliques du régime Traoré a été l’expulsion des troupes françaises et la remise en question de la coopération militaire avec l’Occident. Le Burkina Faso, aux côtés du Mali et du Niger, a créé l’Alliance des États du Sahel (AES), un bloc censé garantir une plus grande autonomie sécuritaire et économique. Mais si cette posture séduit une partie de la population, elle pose aussi des questions : la Russie et la Turquie, avec lesquelles le pays se rapproche, pourront-elles réellement combler le vide laissé par la France et ses alliés ?
Des ambitions économiques prometteuses, mais fragiles
Sur le plan économique, Ibrahim Traoré a mis en avant une vision volontariste, visant à industrialiser certains secteurs stratégiques. L’ouverture d’une usine de transformation de tomates et la création d’une Banque postale sont des avancées notables. Cependant, dans un contexte où le pays fait face à une crise humanitaire majeure et où des pans entiers du territoire restent hors de contrôle, ces projets restent encore à l’épreuve du terrain.
Ibrahim Traoré est incontestablement un leader qui bouscule les codes et incarne une forme de renouveau politique. Mais à mesure que le temps passe, la ferveur révolutionnaire devra céder la place à des résultats concrets. Le report possible des élections, initialement prévues pour 2024, laisse planer également le doute sur ses intentions à long terme. Sera-t-il l’homme de la transition ou celui d’un pouvoir qui s’installe ?
Le capitaine joue gros : il est à la croisée des chemins entre l’espoir qu’il suscite et les réalités implacables du terrain. Les prochains mois seront décisifs pour déterminer si son pari audacieux portera ses fruits ou s’il rejoindra la longue liste des dirigeants militaires qui ont fini par décevoir.