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La Rédaction d’Afrique en Plus reçoit ce vendredi 14 mars 2025, le Prof Rock Allister Lapo, enseignant chercheur et professeur à l’université Cheik Anta Diop de Dakar. Il revient ici sur son parcours, et fait un point sur l’actualité ayant marqué la vie politique et sociale de la RCA.

Af+ : Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours académique et professionnel ? Comment êtes-vous devenu professeur à l’école Inter-Etat des vétérinaires de l’université Anta Diop au Sénégal ?

Prof : Je vous remercie. J’ai quitté le pays en 1995 avec un Diplôme universitaires d’études scientifiques pour embrasser des études de médecine vétérinaire à Dakar. Après mon doctorat vétérinaire, j’ai été recruté comme enseignant chercheur dans mon école et j’ai commencé à travailler. Pour autant, j’ai dû reprendre le chemin de l’université pour des études de doctorat que j’ai poursuivies entre la France et la Côte d’Ivoire. J’ai finalement soutenu ma thèse d’université en Physiologie en 2014 avant de passer avec succès le concours d’agrégation du CAMES en Pharmacologie 2015. En définitive, je suis Professeur agrégé de Pharmacologie, enseignant chercheur et chef de ce service à l’EISMV de Dakar.  

Af+ : Malgré votre longue résidence au Sénégal, quels liens entretenez vous avec la République centrafricaine ? Est-ce un rapport régulier ou plutôt distant ?

    Prof : Rassurez-vous je n’ai pas coupé les ponts avec le pays. Le monde étant devenu un village planétaire grâce à la révolution du numérique, je suis de près la situation du pays. D’ailleurs j’y vais assez régulièrement pour me ressourcer et profiter de ma famille et de mes amis. A ces occasions, je ne manque pas d’aller présenter mes civilités aux hautes autorités et plus particulièrement à la hiérarchie dont je dépends.

    Af+ : Avez-vous eu l’occasion de visiter la RCA au cours des dernières années ? Si oui, quelle a été votre impression sur l’évolution du pays, en particulier dans votre domaine d’expertise ?

    Prof : Mon dernier séjour date de 2023 où j’allais assister au Conseil d’administration de mon institution qui se tenait à Bangui. Je suis soulagé et heureux de constater que le pays retrouve peu à peu la stabilité même si des efforts restent à faire. Mais c’est déjà encourageant de retrouver un Etat avec des institutions en place et une administration qui fonctionne. Au-delà, je me réjouis de ce que des offres de formations en santé et productions animales sont proposées aussi bien à l’université qu’au niveau du collège.

    Af+ : Combien d’étudiants centrafricains fréquentent l’école Inter-Etat des vétérinaires chaque année ? Quel est leur profil (niveau d’études, spécialités, etc.) ? Quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent dans leur parcours académique ?

    Prof : Actuellement, il n’a que 4 étudiants centrafricains toutes années confondues à l’EISMV quand les autres pays en envoient annuellement plus d’une dizaine chacun. La principale difficulté déjà pour intégrer l’école pourrait être le coût de la formation qui s’élève à 2,5 millions de CFA l’an à supporter sur 6 ans, sans oublier les frais de subsistance. Cela explique le faible contingent d’étudiants centrafricains à l’EISMV. Je reste cependant persuadé que si un véritable plan de formation était mis place au niveau national, assorti d’une stratégie de sélection de nos meilleurs étudiants, on serait aussi performant sur le plan académique que les autres.

    Af+ : Quelle est votre analyse de l’état du secteur vétérinaire en Centrafrique aujourd’hui ? Quels sont les défis majeurs auxquels le pays fait face ?

    Prof : Permettrez moi ici de rendre hommage à tous mes confrères vétérinaires pour leur dévouement à la cause de la santé animale. Très rapidement je vois 3 enjeux : Premièrement, le système d’élevage en RCA se faisant selon un mode extensif, Il me parait prioritaire de créer les conditions d’une bonne transhumance du bétail afin d’éviter les pénuries de viande sur les marchés. Deuxièmement, j’espère vivement que les abattoirs de Bangui seront rapidement remis aux normes afin de mettre à la disposition de la population des denrées de qualité maitrisée. Enfin, considérant la superficie de notre pays, il est indéniable qu’il faille former davantage des vétérinaires et soutenir leurs missions de surveillance sanitaire par la recherche scientifique. C’est pourquoi j’appelle de tous mes vœux la mise en place d’un laboratoire national vétérinaire digne de ce nom.

    Af+ : Selon vous, quel rôle peut jouer la diaspora centrafricaine dans le développement de la République Centrafricaine, et en particulier dans la formation de la jeunesse et la modernisation des secteurs comme l’agriculture et l’élevage ?

    Prof : La diaspora joue déjà un rôle de représentativité. De plus, elle constitue un vivier de compétences et d’expertises disponibles pour accompagner les initiatives nationales. Sans oublier qu’elle est un partenaire et peut jouer le rôle d’intermédiaire entre le pays et les investisseurs internationaux de toutes sortes. Le pays gagnerait à identifier toutes ces ressources, à les suivre et à leur faire une place dans les stratégies de développement de notre pays.

    Af+ : Pour terminer, quel message souhaiteriez-vous adresser aux jeunes centrafricains qui, peut-être, rêvent d’une carrière dans le domaine vétérinaire ou dans d’autres secteurs clés pour le développement du pays ?

    Prof : Avec l’agriculture, l’élevage est l’une des mamelles qui nourrit l’Afrique en général et la RCA en particulier. Il nous faut produire pour assurer notre propre sécurité alimentaire et pourquoi pas, exporter sur certains pays de la sous-région. La profession vétérinaire a donc de l’avenir.  J’encourage les jeunes centrafricains titulaires d’un bac scientifique à embrasser la carrière de vétérinaire. L’école se trouve au Sénégal, ils pourront y acquérir les compétences nécessaires pour venir renforcer l’effectif dérisoire des vétérinaires centrafricains, ou mieux, devenir des entrepreneurs dans le domaine des productions animales.

    Merci beaucoup d’avoir partagé votre expérience avec nous.

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