Depuis quelques années, Berberati, chef-lieu de la Mambéré-Kadéï, fait face à une recrudescence inquiétante du phénomène de prostitution. Ce fléau social, qui avait déjà marqué la ville entre 2006 et 2009, refait surface, alimenté par la pauvreté, l’abandon scolaire, et le manque d’opportunités économiques. Une situation qui inquiète population et autorités locales.
À la tombée de la nuit, des groupes de jeunes femmes, dont l’âge varie entre 15 et 35 ans, occupent des lieux stratégiques de la ville, offrant leurs services à des clients de passage. Ce phénomène, bien qu’étant une réponse désespérée à la misère, présente des conséquences lourdes pour ces femmes et pour la communauté dans son ensemble.
Les témoignages recueillis auprès de ces femmes mettent en lumière les multiples facteurs à l’origine de leur situation. Pour beaucoup, la prostitution n’est pas un choix mais une nécessité. Elsa la Rose, 21 ans et mère de deux enfants, raconte : « J’avais arrêté d’étudier en classe de 5e quand mon père est décédé, laissant ma mère sans moyens. Les parents de mon père nous ont chassés de la maison. Je n’ai trouvé aucun autre moyen pour subvenir aux besoins de ma famille. »
La pauvreté pousse ces jeunes femmes, souvent sans éducation ni formation professionnelle, à adopter cette activité comme unique moyen de subsistance. Le décrochage scolaire est une réalité alarmante à Berberati. Ces jeunes femmes, privées d’accès à l’éducation, se retrouvent sans qualifications professionnelles et donc exclues du marché du travail formel.
Certaines comme Gertrude, rencontrée derrière l’hôtel de ville de Berberati, explique que des déceptions amoureuses et des abus ont joué un rôle dans leur choix de se tourner vers la prostitution : « Après plusieurs déceptions amoureuses, j’ai décidé de ne plus me mettre en couple. Cela fait plus de 15 ans que je suis dans cette vie. Ce n’est pas facile, mais c’est ce que j’ai choisi pour vivre. »
« Un métier à hauts risques »
Malgré les gains financiers qu’elles peuvent tirer de cette activité, les risques sont multiples, l’augmentation des cas de VIH/SIDA dans la préfecture ; est une conséquence directe de cette situation. Outre ce phénomène, la stigmatisation sociale fait aussi que ces femmes font souvent l’objet d’une marginalisation et est perçues comme des parias, ce qui les isole davantage. Cette hausse du taux de VIH menace la santé publique, plus particulièrement dans une région où les structures sanitaires sont limitées.
Face à l’ampleur de ce problème, plusieurs pistes sont envisagées pour aider ces femmes à sortir de cette spirale. Annie Adèle Béli, cheffe de service préfectoral de la promotion du genre, de la femme et de la famille, a promis d’agir : « Je vais recenser ces filles pour plaider auprès des autorités et du projet Maingo afin de leur offrir une formation professionnelle et leur permettre de sortir de cette pratique. »
La création de centres de formation en métiers tels que la couture, la coiffure ou encore l’agriculture pourrait offrir à ces femmes des alternatives viables pour gagner leur vie. Mais aussi, un soutien psychologique et sanitaire à travers des programmes d’accompagnement psychologique et de sensibilisation à la santé reproductive est essentiel pour aider ces femmes à se reconstruire et à prendre soin de leur santé.
Le phénomène de prostitution à Berberati est une expression d’une crise plus profonde : celle de la pauvreté, du manque d’éducation et d’opportunités. Si rien n’est fait, ce fléau continuera de compromettre l’avenir de nombreuses femmes et d’aggraver les défis sanitaires et sociaux de la région. Il est donc urgent que les autorités locales, avec l’appui des partenaires nationaux et internationaux, mettent en place des solutions durables pour offrir à ces femmes des alternatives dignes et restaurer leur espoir en un avenir meilleur.